Troie
en flammes,
Brueghel Jean, dit l’Ancien, vers 1595
…Animus meminisse horret…(Virgile,
Enéide, livre II, v.12)
adolescence
et mémoire
philippe
gutton
Avertissement :
toute référence à cet article doit faire mention de son
auteur et du site de la "Psychiatrie Angevine"
Copyright 2005
adolescence
et mémoire
philippe
gutton
Je
vais vous parler de clinique d’adolescence. “ L’eau coule et le cœur
oublie ”. Je traduirais à mon profitainsi ce vers, rappelé
par R. Wartel au cours de la matinée : “ L’enfance coule et
le pubertaire oublie ”. La théorisation du pubertaire est au centre de
mon exposé. Quelques mots de rappel : un éprouvé précisément génital,
affaire de sensorialité. La métamorphose qu’il produit est si profonde que
j’ai parlé à son propos d’archaïque pubertaire dont les mécanismes
de fonctionnement sont en tous points ceux du bébé la thématique en étant
maintenant génitale. Les attachements de la prime enfance sont remaniés ;
nous savons aujourd’hui que leurs empreintes si elles sélectionnent les éprouvés
nouveaux, ne sont pas figées et que les forces du deuxième temps de la
sexualité humaine peuvent, en retour, les remanier.
À
partir de cette étape, celui qui ne peut plus être un enfant s’engage dans un
formidable travail de commencement (et non pas d’origine) que nous pouvons
nommer également de création. À partir de la nouveauté sensorielle assurément,
que construire, qu’élaborer ? La question est bien d’abord celle de
l’énonciation. Comment retrouver un ordre à partir du désordre introduit
dans l’infantile, dans la névrose infantile, dans l’organisation de la
deuxième topique freudienne. Comment cet actuel peut-il ou doit-il garder ce
que J. B. Garré nomma dans son introduction le devoir de mémoire,
dans quelle mesure n’y-a-t-il pas d’abord un devoir d’oubli ? En
termes sensiblement différents, avec quels emprunts récents l’adolescent
peut-il rembourser sa dette infantile ? Remontant plus haut dans
l’histoire, comment peut-il alléger le poids de la transmission intergénérationnelle
afin de construire du nouveau qui lui est propre, subjectal, de l’encore
inconnu assurément. Soulignons au passage que le pubertaire n’est pas en
lui-même une attaque de la filiation et l’affiliation familiale comme il est
trop classique de le dire. Plus qu’à tout âge l’adolescent doit “ faire
avec ” ; disons plus, ses attachements du premier âge si liés à
l’histoire intergénérationnelle, ses inclusions inélaborables par le
travail d’enfance, constituent un matériau avec lequel il doit travailler. Ce
que l’enfance n’a pas pu intégré, l’adolescence le trouve ou le retrouve :
peut-il alléger le poids des cariatides sous les balcons des palais.
L’adolescence “ ne marche pas ” sur les générations qui l’on
précédées, elle ne balaye pas “ les prêts à penser infantiles ”,
elle les rencontre et perlabore avec eux les éprouvés de la nouvelle génitalité.
Permettez une parenthèse concernant le contenu mnésique, il ne porte pas sur
l’image de l’objet ; le souvenir est une relation du sujet avec un
objet ; c’est l’interférence, la mise en scène, le scénario qui
marque son empreinte, et à partir duquel travaille l’oubli.
Nous
proposons de schématiser selon deux modèles[1] les spécificités de la mémoire
à l’endroit de l’infantile au sein des processus pubertaires et
adolescents. Bien entendu, ces deux modèles de fonctionnement coexistent chez
chacun ; nous verrons que la pathologie se situe dans l’excès du second.
Les éprouvés pubertaires selon le premier fonctionnement constituent les
traces à partir desquelles s’élaborent les réminiscences infantiles ;
c’est la théorie de l’après-coup. La sexualité infantile se trouve génitalisée ;
elle est maintenant sous ce masque, ce déguisement (et non pas falsification)
disons simplement, elle est refoulée. Nous passons de la névrose infantile,
organisée à la phase de latence à ce que j’ai fréquemment nommé la névrose
adolescente. La scène primitive se remémore en scène pubertaire.
Selon
un deuxième modèle, la souffrance de la métamorphose, c’est-à-dire des éprouvés-agirs
pubertaires ne permet pas à la procédure du refoulement de se produire ;
l’enfant pubère est débordé : le pubertaire se révèle traumatique
(ce constat fut fait depuis les travaux de S. Ferenczi). “ J’ai la
tête vide ” ; telle ou telle scène pubertaire (qui n’aurait dû
être qu’une trace) envahit tout le terrainpar la violence de sa sensorialité comme un mausolée conservé hors du
temps, (reprise bien entendu de l’infantile) : pas de création, pas de
remémoration mais exclusivement de la répétition.
I
“ L’auteur ”
par sa définition étymologique même “ ôte ” (efface) le texte
présent au bénéfice d’un écrit nouveau. La création adolescente suppose
une double confiance en l’oubli et en la traduction de ce qui est oublié,
telle est l’approche du transfert de l’infantile en termes pubertaire et
adolescent. L’interprétation adulte tente de remonter en sens inverse :
ainsi suivant le fil de la couleur jaune, il fut possible à S. Freud de
retrouver à partir des fleurs jaunes (post-pubertaires) une robe jaune qui l’émut,
selon l’exemple retenu par Lydie Flem au cours de cette matinée. La
construction présente est une reconstruction tendancieuse. Afin d’expliquer
notre pensée, nous prendrons l’exemple du rêve dans la théorie freudienne
et précisément du rêve adolescent : à partir d’une trace diurne ou
nocturne génitale, le matériel infantile par le travail du rêve est élaboré.
À partir des “ pensées latentes ” issues à la fois du sensorium
du rêve et des restes diurnes de la veille, le rêve se fait accomplissement du
désir, se référant à l’infantile. “ Le désir laissé inassouvi
pendant la journée ne suffit pas chez l’adulte à créer un rêve ”[2].
Grâce à la complicité des restes diurnes et des stimuli somatiques actuels le
rêve peut survenir et mettre sur la scène du sommeil l’ensemble
fantasmatique qui souhaitait s’exprimer. Dans cette approche typiquement
freudienne, le travail d’adolescence que j’ai nommé adolescens[3]
en tout point semblable au travail du rêve, s’intercale comme un processus élaboratif
entre le pôle sensoriel de l’excitation pubertaire et les scénaris
fantasmatiques. “ L’activité diurne a suscité un désir inconscient
et celui-ci crée maintenant le rêve ”[4].
La sensori-activité pubertaire a suscité un désir inconscient (infantile) qui
crée maintenant le rêve. L’objet des premiers émois fonctionne chez
l’enfant pubère sur le modèle des pensées diurnes entraînant l’élaboration
du désir inconscient d’origine infantile et qui s’est trouvé refoulé.
Freud insiste encore sur le fait que les restes diurnes que je positionne
aujourd’hui comme pubertaire sont par nature des éléments de satisfaction
interdite, c’est leur inachèvement qui suggère l’élaboration infantile.
Ce raisonnement concernant le rêve que nous appliquons délibérément au
processus d’élaboration adolescente à partir du pubertaire est présent dès
l’observation d’Emma en 1895[5] :
un fait sexuel actuel dans le magasin réveille un souvenir de séduction
infantile et crée le symptôme. La thèse que nous défendons ici est que ce
modèle élaboratif est le fait non seulement des rêves et des symptômes mais
de toute l’activité psychique adolescente.
À titre d’exemple le rêve
de A., quatorze ans, relaté à son psychothérapeute: “ Je suis
en short comme dans l’enfance avec des poils sur les jambes ”. Le
constat de sa pilosité lui donne à associer sur le fait qu’elle était une
enfant grosse boulotte, garçon manqué ; après plusieurs souvenirs
d’enfance, elle revient à l’actuel sous forme d’horreur de la féminité
des jeunes filles “ le ventre à l’air ”. Infantile et
pubertaire se condensent dans une étrange erreur de date : “ J’ai
été malheureuse de zéro à trois ans ” après quelques échanges en la
séance, elle se révèle malheureuse depuis le départ du père il y a trois
ans. Le fonctionnement de l’adolescence se rapproche de celui du lapsus et de
la plaisanterie... adressés à un Autre de grande importance.
Ce
bref exemple montre une fois de plus qu’une adolescence ne se fait jamais
seule. Elle s’inscrit dans l’échange où le souvenir surgit dans le
discours de la confidence. La connivence entre l’oubli et la résurgence masquée
bénéficie d’un “ appareil psychique complémentaire ” c’est-à-dire
de la présence d’un tiers confident interprète, nous l’avons nommé sujet
parental de transfert[6]...
se livrant avec l’adolescent à un travail archéologique concernant les
connexions des secrets oubliés et ce qui se passe aujourd’hui (entre les éprouvés
et les mots).
II
La
création repose à la fois sur l’automatisme de répétition et s’en dégage
par un commencement.
L’éprouvé pubertaire lorsqu’il est traumatique entraîne les deux phénomènes
contrastés :
- le vide psychique, “ l’affect de non
affect ” disons la morosité,
- la scène pubertaire (reprise de la scène
primitive)[7]
envahissant abrupte la psyché se répétant sous forme de flashs[8]
d’horreur, empêchant ou gênant l’élaboration adolescente. Oui, ce qui est
dénié revient au galop, par projection.
Dans
cette clinique du trauma, les actes et les agirs pubertaires[9]
dominent sur le modèle de la répétition avec diverses déformations,
falsifications ; je pense évidemment aux scénari d’automutilation, de
suicide, aux conduites addictives (à l’aliment, au sexe, à diverses
produits). Comment dès lors retrouver les objets infantiles qui, ici, sont peu
mémorisés, enfouis disons déniés ? Il est ici bénéfique d’avoir
recours au concept théorique “ d’espace psychique élargi ”
dont Ph. Jeammet fit la description[10]. Ce sont en effet des éléments
extérieurs au sujet, ceux de l’environnement qui permettent de retrouver les
lieux de l’infantile ; objets inertes, espace architectural ; amis
d’enfance si précieux et surtout communauté familiale : les parents
constituent le réservoir, parfois unique des souvenirs. Dans cette clinique, on
le voit, le passé vient par le dehors, on comprend que le jeune Portnoy,
héros autobiographique de Philip Roth[11],
accepte si volontiers la demande maternelle : “ Tu resteras toujours
avec ta maman, hein ! ”. Dans cette pathologie, on peut décrire une
certaine méfiance à l’égard de sa propre mémoire qui risque de faire
resurgir l’horreur des présences perceptives.
On
peut se demander si cette pathologie dite du breakdown centrée sur le déni
et le clivage ne trouvait une part de sa fréquence en l’évolution
sociologique moderne qualifiée souvent de post-moderne : individualisme
forcené, dominante d’un présent clivé du passé et sans avenir, recherche
de l’excès, opposition entre l’actuel et le traditionnel etc.
L’adolescent paradigme de cette société ferait les frais électifs de son évolution.
III
Je
prendrai pour conclure la consultation[12] télévisée de B,
quatorze ans et demi. Cette adolescente présente une sémiologie du type
breakdown sur un fond extrêmement dépressif avec des défenses caractérielles
tres sensibles. Le déroulement de la séquence révèle de façon claire les
deux modes de fonctionnement de la mémoire tel que nous les avons distingués,
voir mis en opposition dans ce texte.
1 - Le
premier temps de la consultation est dominé par un affect dépressif et une méfiance
essentielle à l’égard de l’objet total (elle est constamment menacée par
un regard plus ou moins terrifiant qui la juge) ; elle est figée dans un
présent répétitif sans passé ni avenir en raison de la violence des mécanismes
de déni/projection.
L’objectif
premier est le contrôle de l’objet et maintenant du médecin en face
duquel, elle se trouve : à la demande de présentation, elle ne répond
pas, mais retourne la question : “ Et vous qui êtes-vous ? ”
I. Melo se présente et B. se trouve un instant en confiance,
c’est-à-dire quelque peu régressive. Elle est engagée dans la désillusion
d’elle-même : “ J’ai gâché ma vie, je suis moche, je ne sais
rien, j’assume mes bêtises, je fume, à l’école, je suis nulle ”[13].
De ce constat, elle passe progressivement à la menace que constitue pour elle
l’objet: “ Je n’ai jamais confiance en l’adulte... s’ils sont
deux ensemble, cela me stresse, me refroidit, il sont toujours sûrs d’eux et
alors, je fuis ou je leurs réponds violemment. ” Elle se sent jugée,
contrôlée ; sa grande crainte avec les psychiatres est d’être “ mise
en catalogue ” classée ; ainsi un “ psychiatre glacé
lui a collé l’étiquette de dédoublement de personnalité ”. Elle est
obsédée par ce diagnostic et oscille entre une grande agressivité à l’égard
de ce médecin et le constat de la grande agressivité de ce médecin à son égard :
nous sommes dans la clinique de l’identification projective, formidable défense
caractérielle à l’égard de l’intrusion et demande à l’égard de
l’objet. Cette contradiction se résume assez bien par l’expression
qu’elle répète volontiers : “ Personne ne me comprend ” :
avidité d’être comprise et terreur de l’être. Elle s’affirme quelque
peu : “ Je sais qui je suis... du moins j’espère ! ”,
“ Personne ne m’a appris à apprendre. ”
2 - Cette
espérance hésitante provoque ses larmes. Les efforts de réassurance et de
valorisation du consultant acceptés d’elle, ont consolidé son “ Moi-peau ”
(Anzieu). Celui-ci peut âtre maintenant (avec encore bien des hésitations) un
confident ; elle esquisse une position dépressive au sens de M. Klein
(que les défenses paranoïaques masquaient). Elle y répète qu’elle n’a
jamais été protégée. Sa mère est froide, disons intellectuelle, son père
à distance qualifié de “ vrai plouc ”, le couple parental
toujours au bord de la séparation... Comment sort-elle de ses larmes ? En
revenant surde multiples souvenirs
d’enfance avec sa mère qu’elle qualifie alors de fusionnelle[14]...
peut-être dit-elle de façon fort directe à l’image de ce qu’elle a avec
l’intervenant comme consolateur et réassurant. Elle a besoin “ d’un
appareil psychique complémentaire ” pour parler de ses angoisses dépressives
et aller plus loin dirai-je dans son auto création.
3 - Après
la désillusion l’entrée possible dans l’illusion. Sa position de défense
à l’égard de l’objet cède miraculeusement et la voilà s’engageant dans
une pensée associative. Elle se sent bien dans son corps, à l’aise
sur sa chaise, elle se déshabille légèrement enlevant sa veste, ouvrant son
corsage, dégageant son nombril dans une démarche que l’on peut penser séductrice
lorsqu’elle m’apparaît plutôt narcissique. “ Je peux faire ma thérapie
sur moi-même, toute seule et être calme à tout moment, je n’y arriverai que
si je suis toute seule ”. et de s’engager sur des souvenirs de son passé
récent et plus ancien : sa passion pour le cheval, sa naïveté dans les
relations amoureuses, son envie d’être fusionnelle avec ses amoureux comme
avec sa mère, ce qu’elle appelle “ être conne ”[15],
ses parents, leurs origines, leur couple un peu houleux, enfin, les huit jours
passés dans une île méditerranéenne, tout y était un rêve : elle était
un peu shootéesa mère dansait avec les mêmes garçons qu’elle ;
trois garçons tournaient autour d’elle, elle en aimait un, elle l’épousera...
Elle est capable de se “ lâcher ” jusque dans des défense
maniaques (proche de ce qu’elle appelait des positions fusionnelles) ;
elle nage alors dans l’idéalisation des objets apparaissants dans une activité
fantasmatique d’une grande richesse.
Une
confidence enfin surgit : son besoin d’écriture ; il faut
qu’elle écrive chaque jour son journal intime, des lettres, l’histoire de
sa vie et même des romans, c’est-à-dire elle à la troisième personne comme
dans un vrai livre. Elle ne se relit guère car cela, la rend triste, elle ne
semble pas souhaiter un public, se contentant de ce que M. de M’Uzan nommait
le public ou l’interprète interne. “ Il me faut écrire pour avancer ”.
Concluons
en interprétant ce parcours d’une séance : si les objets extérieurs
n’imposent plus leurs risques intrusifs provocateurs de vide de la pensée, il
devient possible de créer des objets internes et externes où l’élaboration
mnésique a sa place. La création objectale reste certes toujours sous menace
d’objet.
Observons
la place du sujet parental de transfert qui dans l’optique de cet article sur
la mémoire a pour fonction d’être l’occasion de celle-ci, la diastase mnésique :
être là de telle sorte que les éprouvés suggèrent des représentations
s’associant avec des représentations passées. Un fil associatif où se joue
la traduction et les échecs de traduction que Freud nomma refoulement. Lorsque
le tiers interne est absent ou insuffisamment présent au narcissisme brisé par
l’objet génital, un personnage tiers est nécessaire de place et de
fonctionnement difficiles.
Philippe
Gutton
Professeur des Universités
Directeur de la Revue Adolescence 3, avenue Vavin75006Paris, France
e-mail : greuppado@club-internet.frPortable : 06 85 70
54 17Tél. Revue : 01 45 51 60 03
[1].
En reprenant les termes du petit article de S. Freud (1914). Remémoration,
répétition et élaboration.In : La technique psychanalytique.
Paris : PUF, 1970, pp. 116-130.
[2].
Freud S. (1900). L’interprétation des rêves. Paris :
PUF, 1987.
[5].
Freud S. (1895). Esquisse d’une psychologie scientifique.In :
Naissance de la psychanalyse. Paris : PUF, 1986, pp. 307-396.
[6].
Gutton Ph. (1996) Adolescens. Op. Cit. ;
(2000). Psychothérapie et adolescence. Paris : PUF.
[7].
Cf. Gutton Ph. (1991) Le pubertaire. Paris : PUF.
[8].
L’observation d’Albert G. résumée par Freud, en montre bien le mécanisme
à partir de la thèse de Debacker sur Les hallucinations et terreurs
nocturnes chez l’enfant et chez l’adolescent (1881). Ce garçon
de treize ans, dans ses cauchemars, qu’aujourd’hui nous assimilerions à
des bouffées hallucinatoires hypocondriaques d’adolescence, apercevait le
diable qui lui hurlait à tue-tête : “ Nous t’avons, nous
t’avons ” ; le feu brûlait à la surface de son corps préalablement
dépouillé de ses vêtements. Il poussat des cris, faisait des gestes. On
entendait : “ Ce n’est pas moi, je n’ai rien fait ”
ou bien “ laissez-moi, je ne le ferais plus. ”Il pouvait se dépersonnaliser
au point de crier : “ Albert n’a jamais fait ça. ”
L’interprétation freudienne met en avant la tentation de se masturber
d’Albert, sous la poussée de la puberté, exprimée dans les picotements
de ses organes génitaux tels qu’il “ avoua ” les avoir
ressentis lorsqu’il fut interrogé sur cette période, deux ans après (âge
pendant lequel Albert allait très bien). Les restes diurnes, au sein
desquels “ la libido réprimée s’était transformée en angoisse ”(Freud),
rencontraient très probablement des souvenirs masturbatoires infantiles
pour lesquels il avait été “ menacé ” de punition sévère
(son aveu : “ Je ne le ferai plus ”, ses dénégations :
“ Albert n’a jamais fait ça ”). Le fait qu’il n’avait
de cauchemars que lorsqu’il s’était déshabillé avant de dormir
incitait à penser que les éprouvés somatiques avaient à ce moment
quelque importance. Traumatique, est ce rêve dans lequel les pensées
latentes et l’infantile se condensent en un même thème, ne permettant
pes le travail du rêve et s’imposant comme une hallucination. Dans la
compréhension de ce cauchemar, nous avons attaché de l’importance à
l’éprouvé somatique ce que ni Debacker ni Freud ne faisaient à propos
d’Albert G. Freud S. (1895). Esquisse d’une psychologie
scientifique. In : Naissance de la psychanalyse. Op. cit.
[9].
Nous différencions ici (des actions symboliques ou fantasmatiques) les
activités de répétition : soit l’acte ou passage à l’acte de
saisie de l’objet, soit l’agir simple décharge pulsionnelle, plus ou
moins autocalmante.
[10].
Ph. Jeammet (1980). Réalité interne, réalité externe. Importance de
leur spécificité et de leur articulation à l’adolescence. Rev. Fr.
Psychanal., 44 : 481-521.
[11].
Philip Roth (1967). Portnoy et son complexe. Paris : Gallimard.
[12].
Elle fut menée par Le Docteur Ignacio Melo (Université de Genève) et
j’en ai été un interprète.
[14].
À propos de l’impact des mots psy sur elle, qu’elle craint considérablement,
un exemple survient : elle dit qu’elle entretient avec sa mère des
relations “ fusionnelles ”. I. Melo lui fait remarquer
que le mot qu’elle utilise là, est électivement celui d’un psy. Elle déclare
alors qu’elle l’a fait sien à l’inverse de la plupart des mots
qu’utilisent les psys, parce que sa mère utilisait constamment à son égard
des mots psys.
[15].
Au cours de cette consultation et malgré sa confiance, elle n’aborde pas
l’événement traumatique récent qu’elle a subi, un an auparavant ;
vierge elle fut violée par son copain qu’elle adorait et l’ami de
celui-ci. Plusieurs fois au cours de la consultation, elle évoque sa naïveté
et sa dépendance à l’égard de ses propres passions qui la situe dans
une fragilité permanente à l’égard de l’autre.