Jean-Paul ROBERT Cinq demeures
Architecte, critique et historien
d'architecture. Paris
Il y a beaucoup d'architectes, et
peu d'architecture. Ou si l'on veut, beaucoup de personnes qui font de
l'architecture, et très peu d'architectes (de même que quantités font de la
philosophie, ou de la médecine, alors que se trouvent très peu de
philosophes, ou de médecins).
Quand elle est œuvre (et ce
n'est pas souvent), l'architecture est d'abord un art de la représentation.
Elle peut alors être interrogée comme on interroge un tableau, méditée
comme on médite face à un tableau. Qu'est-ce alors qui se représente, dans
une œuvre d'architecture ? Quand il s'agit d'un bâtiment sur la place
publique, une société toute entière, dans l'état et au moment qui le fait
naître. Mais quand il s'agit d'une demeure ?
Cinq demeures, toutes
remarquables : une maison impossible, nulle part ; celle d'un
philosophe, – la Wittgenstein Haus édifiée par Ludwig Wittgenstein pour sa
sœur Gretl à Vienne – ; celle d’un écrivain – la Casa
come me de Malaparte à Capri ; une dernière demeure - le cimetière
d’Igualada près de Barcelone, œuvre de Enric Miralles, où il
repose - ; et celle d’un artiste – l’atelier de Rémy Zaugg à Pfastatt,
qu’il construisit avec les architectes Jacques Herzog et Pierre de Meuron.
Ces lieux ne sont pas
domestiques, ne relèvent pas de la vie privée. Pour leurs créateurs (qui
n'ont pas forcément le titre d'architectes, tant s'en faut), ils ont été
l’invention d’une représentation du monde. Ce sont autant de tentatives
de s’y présenter pour se le concilier, et de s’y réconcilier pour se le
représenter. Si elles dévoilent de leurs auteurs, elles intéressent surtout
pour ces tentatives…