Accueil     Thèses     Mémoires     Cours     Rechercher sur le site

SERVICE de PSYCHIATRIE et de PSYCHOLOGIE MEDICALE

CHU ANGERS

 


Avertissement : toute référence à cet article doit faire mention de son auteur et du site de la "Psychiatrie Angevine"
Copyright SERVICE DE PSYCHIATRIE ET DE PSYCHOLOGIE MEDICALE CHU ANGERS 2004

 

 ARGUMENTAIRE DE LA 1ère RENCONTRE
DE
GERONTOPSYCHIATRIE
ET
DE PSYCHOGERIATRIE EN ANJOU

ANGERS , LE JEUDI 21 OCTOBRE 2004

Dr. F. AUMJAUD

 

 

 

 

Il sera question de voir, de revoir ensemble,  d’apprendre, ou de réapprendre, une lecture psychiatrique de la séméiologie observée chez le sujet vieillissant âgé (SVA) (1) . Ensuite, la confrontation des pratiques professionnelles sera débattue à partir du soin en institution et de la prescription médicamenteuse.

L’essentiel des participants de cette journée seront des étudiants au DESS de psychologie gérontologique normal et pathologique, des médecins inscrits à la capacité de gérontologie ou l’ayant déjà obtenue, des internes en psychiatrie ainsi que des psychiatres établis en institution ou de libre pratique.

                                                                                                                                   

Avant d’aborder la clinique puis les conduites à tenir, il convient de bien repérer qui prend la parole et au nom de quoi. Car l’idée de se fédérer pour exercer une praxie à visée symbiotique est bien intéressante et très à la mode, mais parfois le manque de clarté permet de dissoudre les compétences. Le propos qui va être développé maintenant vise à préciser cette observation.

 

APPROCHE EPISTEMOLOGIQUE DE LA PSYCHIATRIE DU SUJET VIEILLISSANT AGE  

Peut-être que l’intitulé de ces rencontres vous a interrogé, c’est pourquoi, il est nécessaire d’y revenir.

Cette clinique s’intéresse ni au troisième âge, ni à la personne âgée, ni au sujet dit âgé. C’est une séméiologie qui prend en compte la diachronie d’une séméiologie lue à un moment. Le SVA est un sujet différent du fait d’une historicité plus avancée, mais il est structurellement identique au sujet adulte plus jeune, qui est lui-même vieillissant. Comme s’il y avait une lecture différente du dépliement de la structure psychique et que ces effets sur le réel soient une palette signe d’une diffraction. Proposer le concept de SVA, c’est souligner l’importance du sujet présent, eu égard à ce qu’il fut et ce qu’il peut être encore dans le futur. Lacan écrit  « effet de rétroversion par quoi le sujet à chaque étape devient ce qu’il était comme d’avant et ne s’annonce : il aura été, qu’au futur antérieur ».

 

                                        GERONTO-PSYCHIATRIE/ PSYCHO-GERIATRIE.

 

Un balayage des principaux ouvrages met en évidence cette difficulté pour les psychiatres à s’unir autour de l’exploitation d’une clinique.

 

Tout d’abord, j’emprunterais la définition de Richard  (1984) puis celle avec Bovier (2) (en 1997), pour qui, cette discipline,  «  vise à élaborer et à utiliser dans un but thérapeutique un corps de connaissance, celui de la pathologie mentale de l’âgé s’appliquant aux affections psychiques, qui apparaissent, se prolongent ou réapparaissent dans la vieillesse ». La prise en compte de la temporalité, la diachronie est bien soulignée. Ces auteurs mettent l’accent sur le regard psychiatrique et dénomment cette discipline indifféremment psychiatrie gériatrique, gérontopsychiatrie  ou encore géropsychiatrie.

Monfort (3) (1998) préfère mot de psychogériatrie tout en reconnaissant la référence psychiatrique mais en ne souhaitant pas que soit fait un parallèle avec la pédopsychiatrie car « l’imprégnation du temps qui a passé distincterait un sujet qui se construit ».

Quant à Muller et coll. (4) en 1969 qui ont fait aussi référence à la pédo-psychiatrie dans ce qui fut le premier  « manuel de géronto-psychiatrie » rédigé en français, ils  s’en expliquaient simplement en écrivant que le terme géronto-psychiatrie « semble plus heureux que des mots composés comme, psychiatrie gériatrique, psycho-gériatrie, ou psycho-gérontologie ». Mais en 1981, sous le titre « abrégé de psychogériatrie »  Muller et Wertheimer nous informe que l’approche « des troubles psychique de la vieillesse » a changée. Il n’y a pas d’explication  mais le contenu permet d’y repérer l’approche médico-socio-psychologique qui se dessinait en gérontologie clinique à l’époque.

Pour l’anecdote, repérons la publication en 1984 par Siméone et Abraham (5) du livre dans la collection biologie et psychologie « introduction à la psycho-gériatrie ». Il y aurait peut-être à épiloguer sur le trait d’union….qui a la largeur du lac Léman puisque ces deux écoles Genève et Lausanne, en ces temps, étaient très concurrentes.

 

Pour être plus complet en matière d’ouvrages de référence, et pour introduire un changement d’intitulé,  il convient d’évoquer « les confrontations psychiatriques N°5, sur « la psychopathologie de la vieillesse paru en 1970 » (6).

En 1989 deux approches différentes sont proposées d’une par l’ouvrage de Ferrey et Le Goues « psychopathologie du sujet âgé » (7)  et celui de l’équipe de Limoges « psychopathologie du vieillissement » (8). En 1990 Ploton quant à lui rassemble ses textes dans un livre, « la personne âgée, son accompagnement médical et psychologique et la question de démence » (9).

Léger et coll. en 1999 (10) se prononcent pour un titre  rassembleur « psychiatrie du sujet âgé », « discipline frontière, … en devenir ». A noter le chapitre de synthèse historique rappelant les travaux anciens sur les psychoses, l’importance du rapport Laroque en 1962 et la création en 1986 de la société de psychogériatrie de langue française .Ces auteurs n’ont pas rebondi sur le titre de l’opuscule de Durand (1994) « gérontopsychiatrie » destiné aux élèves infirmières (11).

Les psychologues ne sont pas en reste quant aux publications mais ils ont  évité de se prononcer sur  l’usage de l’un ou l’autre des deux termes ; gérontopsychiatrie ou psychogériatrie avec ou sans trait d’union. 

Les médecins gériatres  dans leurs ouvrages sont tout aussi peu précis quand à leurs choix sémantiques.

Notons, qu’en  français historiquement, plus le terme est attesté et plus le trait d’union disparaît dans l’usage. Cette journée y contribuera t-elle ?

 

NOUS AVONS A PRECISER NOTRE APPARTENANCE CLINIQUE ET A NOUS EN RENDRE COMPTE

Nous observons que le vieillissant âgé, est entouré, suivi, même parfois  de trop, de trop près, pressé afin que des professionnels puissent en extraire des signes sur la vieillesse, le vieillissement normal ou réussi, la sénescence ou encore la sénilité. Alors, quand il s’agit du vieillissement pathologique, et d’autant plus s’il est question de la gestion de l’horreur de la mort annoncée associée à la souffrance psychique voire la folie, le Sujet est encore plus facilement mit à distance. 

Interpellation ;

Une lecture plus angevine m’a fait réfléchir sur ces deux termes ; gérontopsychiatrie et psychogériatrie. En 1986 le Dr Vasseur  gériatre a posé la question  suivante à deux psychiatres formés en gérontologie clinique, « si j’étais absent et qu’un malade ai besoin que lui soit fait un toucher rectal, le feriez vous ? », l’un dit oui, l’autre non.   

 Réflexion ; 

La gérontopsychiatrie est une clinique appréhendée  par un psychiatre placé essentiellement du côté de la rencontre, de l’écoute. Le psychiatre est un médecin mais sa pratique ne le fait pas intervenir directement sur le corps.

La psychogériatrie est une clinique lue et abordée par un médecin somaticien ou un          autre professionnel de santé (ce qui n’exclus pas les psychiatres mais souligne alors une praxie).

Proposition ;

La distinction entre ces deux mots gérontopsychiatrie et psychogériatrique est dans les  faits une différence de positionnement de clinicien. C’est une reconnaissance de deux conceptions d’une approche clinique propre en acceptant la déformation de la formation initiale. C’est  reconnaître les limites de la polyvalence d’une pratique.

La gérontopsychiatrie s’apparente à l’approche clinique centrée sur le sujet au sens psychodynamique où le discours est au premier plan, le praticien psychiatre, ne va pas y voir mais en tant que médecin de formation, il en reste quelque chose de sa déformation. Il complète son argumentation clinique mais c’est la rencontre singulière où l’écoute prime qui est essence de sa praxie. Cette discipline s’appuie essentiellement sur le concept de maladie mentale. L’approche gérontopsychiatrique, si elle explore la santé mentale et propose des soins en partenariat, le praticien attachera une importance majeure pour sa clinique aux significations voire aux signifiants de l’entrevue.  

 Dans la psychogériatrie, les troubles, les comportements neuro-psycho-gériatriques (NPG) sont mesurés, évalués, dosés, comparés ce qui n’empêche pas une approche psychologique de la personne. Nous sommes dans le cas particulier de la psychologie médicale et de la psycho-gérontologie. La lecture psychogériatrique s’apparente davantage à ce qui est observé dans les cadre institutionnels gériatriques ou gérontologiques.

En fait c’est la proportion entre le social, le médical et le psychologique ainsi que la façon d’étayer une réponse à une demande qui détermine la pièce identitaire du puzzle inter, pluri, trans-disciplinaire d’où  émerge une position d’intervenant spécialisé. En d’autres termes si la mise en commun est nécessaire  le statut et le rôle de chaque intervenant doit être scrupuleusement défini et assumé. Nous avons à favoriser la notion de » pluri métiers » tel qu’a pu la définir le Dr Guillot Bally dans son récent rapport (12).

Synthèse ;

La psychiatrie du sujet âgé et plus spécifiquement la psychiatrie du Sujet vieillissant âgé, terme qui met l’accent sur la dimension diachronique, a pour objet à la fois la praxie gérontopsychiatrique et psychogériatrique. En d’autres termes le gérontopsychiatre est un psychiatre avant tout, et la reconnaissance d’une pratique particulière n’est pas l’objet d’une demande statutaire différente. Si c’est la santé qui fait l’âge de la vieillesse à partir de quel âge les consultants doivent ils s’adresser au gérontopsychiatre ?

PROJET GERIAGOGIQUE

Dans ces premières  rencontres angevines, nous avons comme projet de remettre à l’honneur l’approche du Sujet, avec une lecture psychodynamique,  mais aussi clinique, selon  la clinique de la psychiatrie française. Cela ne retire en rien l’apport des réflexions autour des symptômes proposées par d’autres courants séméiologiques. Le discours, sous tendu de la trace médicale somaticienne imprégnera pour toujours  le psychiatre. Cette notion me semble essentielle et fait la différence avec nos collègues non médecin .En commun avec les gériatres, la question de la maladie et de la mort a été traversée, en tant que praticien,  par la réalité pendant les études médicales. La désérotisation du toucher du corps, la distanciation par la reconnaissance de la parole prendra toute son acuité après un relâchement qui nécessitera du temps mais pas de l’oubli.

 Beaucoup de travaux psychogériatriques ont été développés ces dernières années au point de résumer la clinique de la psychiatrie du sujet âgé à la démence puis aux démences sous une forme quasiment totémique d’une représentativité de la psychiatrie à l’âge avancé. La « dépressivité »  (13) prise pour dépression sous un regard stricte d’une somme de symptômes « grillagés » est soulagée trop facilement par des formules magiques en lieu et place d’une reconnaissance spécifique du SVA. Les hallucinations à leurs tours deviennent de plus en plus souvent le lieu de projections anatomiques qui parlent. Les troubles ne deviennent que des comportements à éteindre. La gérontopsychiatrie  des psychiatres doit, au delà du nom trouver sa véritable expression identitaire.

Les psychiatres, qui ont beaucoup œuvré sur le terrain, sont, néanmoins, à mon sens, passé jusqu’ici à côté du sujet en ne s’appropriant pas suffisamment une spécificité théorisée de clinicien médecin psychiatre. Leurs places au sein du puzzle transdisciplinaire s’est faite petit à petit par défaut ou bien dans des  urgences qui n’étaient pas les leurs bien souvent. Les regards différents des autres spécialités seront invités à s’exprimer lors de ces rencontres. Nous comptons sur le travail bien avancé de réflexion de ceux-ci, psychologues, et gériatres pour qu’ils puissent en se définissant nous faire buter sur notre limite de fonctionnement et par la même nous enrichir mutuellement en nous respectant. Apprendre à nous connaître dans l’exercice d’une pratique en devenir. L’idée serait d’essayer, à partir de la clinique, de faire ressortir les points d’appuis spécifiques sur lesquels nous puissions compter. Nous avons à nous approprier nos limites de fonctionnement, sans pour autant négliger notre sensibilité personnelle.

 

Que dire du découpage symptomatologique, des classifications athéoriques et les descriptions historiques ? Quelle pratique spécifique faire ressortir de la rencontre singulière ? Comment réintroduire la temporalité dans l’expression clinique, le narcissisme,  l’angoisse….Comment promouvoir le travail institutionnel de qualité effectué par les psychiatres depuis de nombreuses années. Travail systémique qui, il n’y a pas si longtemps était inconnu voir mal compris ailleurs. Quel partenariat avec les psychologues ?

Le projet gériagogique  est de nous aider à nous forger nos propres références identitaires, puis confronter nos pratiques.

La demande aux intervenants est donc, après s’être positionné dans leur identité professionnelle, de proposer un discours en référence à ce positionnement. Par exemple un psychiatre n’approche pas le concept de névrose, de psychose ou la dépression de la même manière que le gériatre ou le non médecin, chaque spécificité est à entendre pour s’entendre. Le professionnel en institution n’aura pas la même rencontre s’il voit seul ou en équipe un S.V.A. si la pratique change, sa position théorique le défini.

Pour progresser dans la prise en soins des Sujets Vieillissants Agés, le consensus mou trop fraternel doit laisser place au débat vrai d’opposition de concepts et de pratiques.

                                                                

                                                                                                                     Dr.F.AUMJAUD 

Géronto-psychiatre de libre pratique
6 ter rue Béclard
49100 ANGERS

 



BIBLIOGRAPHIE

(1) AUMJAUD F., Le sujet vieillissant âgé, p.68-70, Revue Française de Psychiatrie et de psychologie médicale, Nov 2001, Tome V, N°50.

(2) RICHARD J. BOVIER Ph., (1997), La psychiatrie gériatrique, Coll. Que sais-je ? P.U.F., PARIS.

(3) MONFORT J. Cl., (1998), La psychogériatrie, Coll. Que sais-je ? P.U.F., Paris.

(4) MULLER Ch, et Coll, (1969), Manuel de géronto-psychiatrie, Masson, Paris

(5) SIMEONE I, ABRAHAM G., (1984), Introduction à la psycho-gériatrie, Coll. Biologie et psychologie, Simep S.A., Lyon-Villeurbanne, Paris.

(6) CONFRONTATIONS PSYCHIATRIQUES n°5, (1970), Psychopathologie de la vieillesse, Spécia.

(7) FERREY G, LE GOUES F., (1989), Psychopathologie du sujet âgé, Masson, Paris

(8) LEGER J.M. et coll., (1989), Psycho pathologie du vieillissement, Coll. de psychiatrie pratique, Doin, Paris.

(9) PLOTON L., (1990), La personne âgée, Chronique Sociale, Lyon.

(10) LEGER J.M. et Coll., (1999), Psychiatrie du Sujet âgé, Flammarion, Paris.

(11) DURANT J.P., (1994), Gérontopsychiatrie, Lamarre, Paris.

(12) GUIHO-BAILLY M.P., Document de travail »psychiatrie du sujet âgé », SROS III PAYS DE LOIRE

 (13) BIANCHI H. (1989), in La question du vieillissement, Coll. Inconscient et culture, Dunod, Paris.