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SERVICE de PSYCHIATRIE et de PSYCHOLOGIE MEDICALE

CHU ANGERS

 


Avertissement : toute référence à cet article doit faire mention de son auteur et du site de la "Psychiatrie Angevine"
Copyright SERVICE DE PSYCHIATRIE ET DE PSYCHOLOGIE MEDICALE CHU ANGERS 2003

SOINS OBLIGATOIRES IMPOSES AUX AGRESSEURS SEXUELS :
INFORMATIONS MEDICALES ECHANGEES ENTRE LE SERVICE PENITENTIAIRE D’INSERTION ET DE PROBATION ET LES MEDECINS
(étude sur la population prise en charge par le SPIP de la ville d’Angers)
F. JUAN* ; V. LACCOURREYE** ;A. CHOCARD***

Les soins obligés existant en droit pénal français depuis près d’un demi-siècle, n’ont pris une réelle signification qu’avec le développement récent des sanctions alternatives à l’emprisonnement, ceci obligeant les professionnels concernés que ce soit dans le domaine judiciaire ou dans le domaine médical, à y porter une grande attention. L’obligation de soins(ODS) est l’obligation particulière la plus prononcée dans le cadre d’une mise à l’épreuve, et les probationnaires qui ont été jugés pour une infraction sexuelle y sont soumis dans ¾ des cas (1).

L’organisme administratif qui gère le contrôle du sursis avec mise à l’épreuve est le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP). Ses travailleurs sociaux sont là pour vérifier tout au long du sursis avec mise à l’épreuve le bon respect des différentes obligations , dont l’obligation de soins. Automatiquement un échange naît entre les médecins soumis à leur déontologie, et le SPIP mandaté par le juge d’application des peines d’apporter la preuve de ce contrôle et de son efficacité ou de son échec. Ici s’appréhende la complexité de la délicate articulation de deux logiques différentes : celle des soins et celle de la peine. Selon X. LAMEYRE " reconnaître la possible fécondité de ce type de soins n’est pas synonyme d’affranchissement déontologique. "(1).

Ce travail porte sur les échanges d’information médicale entre thérapeute et service pénitentiaire d’insertion et de probation dans le cadre du contrôle de l’obligation de soin de la population ayant été condamnée à une peine de sursis avec mise à l’épreuve suite à une condamnation pour agression sexuelle, effectuée par le service pénitentiaire d’insertion et de probation de la ville d’Angers à la date du 15 mai 2002, ainsi que les questions déontologiques en découlant.

Le service pénitentiaire d’insertion et de probation ; recherche dans les circulaires ministérielles des directives concernant l’application et la surveillance spécifique de l’obligation de soins :

Le SPIP est sous le contrôle du ministère de la justice. Trois circulaires ministérielles explicitent les pouvoirs et les devoirs de ce service, ainsi que les moyens ou les méthodes qu’il doit utiliser pour remplir ses fonctions. Elles décrivent les relations qui doivent exister entre le SPIP et ses partenaires, ainsi qu’entre le SPIP et le magistrat mandant dans le cadre du contrôle des condamnations de sursis avec mise à l’épreuve. L’intérêt est de rechercher les directives ministérielles à l’égard du SPIP concernant l’application du contrôle des obligations et de voir s’il est reconnu une spécificité du contrôle de l’obligation de soins.

CIRCULAIRE du 5 octobre 1999 (NOR JUSE9940065C)  relative aux missions des services pénitentiaires d’insertion et de probation et à leurs relations avec les autorités judiciaires. Aucune partie n’est développée sur l’obligation de soin et son contenu.

Le décret N°99-276 en date du 13 avril 1999 modifie le code de procédure pénal pour la création du SPIP .

" En application de l’article D.575 du CPP et sous l’autorité du directeur du service, le travailleur social du service pénitentiaire d’insertion et de probation doit s’assurer que la personne suivie en milieu ouvert respecte les obligations qui lui sont imposées. "

" Dans ce cadre, comme dans celui plus général de la transmission des rapports de comportement, les documents couverts par le secret professionnel - c’est-à-dire contenant des renseignements sans rapport avec l’exécution du mandat judiciaire, et recueillis par voie de confidence - ne peuvent pas être transmis au magistrat. "

" Le travailleur social est soumis au secret professionnel comme tout fonctionnaire, il a l’obligation de dénoncer les délits et les crimes dont il a connaissance… "(2)

CIRCULAIRE du 27 décembre 1999 (NORJUSE9940287C) relative aux relations des services pénitentiaires d’insertion et de probation avec les autres services pénitentiaires et leurs partenaires.

Dans cette circulaire, la définition du dossier d’insertion et de probation est aussi présente. Il est notifié qu’il doit être commun au milieu ouvert et au milieu fermé. Il est soumis à certaines règles spécifiques de confidentialité . Il n’est pas accessible par les fonctionnaires des autres services de l’établissement pénitentiaire. Les documents couverts par le secret professionnel ne peuvent être consultés que par un agent du SPIP.

En application du principe posé par l’article 21 de la circulaire AP.85.31.G1 en date du 13 novembre 1985 relative à la communication aux détenus des documents administratifs, le détenu peut avoir accès à son dossier d’insertion et de probation, toujours en présence et par l’intermédiaire d’un des membres du SPIP , en excluant les documents portant atteinte à la sécurité publique et notamment à la sécurité des personnes et des établissements ou à la protection de la vie privée d’une personne autre que le détenu (3).

La CIRCULAIRE du 21 novembre 2000(NOR JUSE004086C) , relative aux méthodes d’intervention des travailleurs sociaux des services pénitentiaires d’insertion et de probation , doit être considérée comme un outil méthodologique. Dans son sommaire, aucune partie n’est consacrée à l’obligation de soin, à son application, ou à son contrôle.

Le développement des écrits à travers les dossiers prévus par l’article D.580 du CPP doit être à jour et utilisable par tous ses membres. Le dossier doit contenir en milieu ouvert des rapports semestriels d’évaluation, ponctuels de situation, de fin de mesure, de liaison. Une grande objectivité est indispensable dans leur rédaction car le probationnaire peut consulter le contenu de ces rapports selon la circulaire NORJUSE9940287C du 27 décembre 1999. Les règles européennes demandent une plus grande transparence du dossier individuel des personnes, la recommandation R (62)16 adoptée par le Conseil des ministres de l’Europe le 19 octobre 1992 dispose que " le délinquant ou une personne agissant en son nom doit avoir accès à son dossier individuel à condition qu’il n’y ait aucune atteinte au respect de la vie d’autrui. Le délinquant doit avoir le droit de contester le contenu du dossier ".

Il est demandé au travailleur social d’induire une réflexion sur la responsabilité du condamné à l’égard des actes qu’il a commis, dès lors qu’il s’en reconnaît l’auteur (4).

Ces circulaires mettent en avant l’importance du travail du travailleur social dans le contrôle des obligations du probationnaire. En ce qui concerne l’obligation de soins, aucune directive spécifique n’est retrouvée. Par contre de nombreuses directives générales sur le contrôle des obligations conviennent parfaitement à l’obligation de soins : l’harmonisation des suivis, l’adaptation individuelle, l’objectivité dans les écrits, le respect de la confidentialité des informations, le droit au délinquant de disposer du dossier du SPIP rentrant en résonance sur le plan médical avec le droit à l’information chez le patient dans la loi du 4 mars 2002. Il est demandé au travailleur social d’avoir des connaissances dans le domaine social, judiciaire, médical. Il doit posséder une grande capacité d’écoute et d’analyse, des disposition à la communication tout en sachant respecter la confidentialité . Il ne doit pas juger mais de savoir alerter le magistrat mandant quand apparaissent des signes objectifs de non respect des obligations. Ces qualités et ces fonctions demandent d’être explicitées de façon précise à travers des écrits, d’être discutées et mises en pratique dans des formations promulguées à l’égard des travailleurs sociaux.

Les droits du probationnaire en corrélation aux droits du malade à travers la loi du 4 mars 2002 : (5)

Cette loi présente plusieurs points intéressants dans le cadre de l’obligation de soins. Il n’y est jamais fait mention de l’obligation de soins de façon spécifique, mais à aucun moment l’obligation de soins n’est citée comme une exception dans les différents articles de loi sur les droits aux malades, entraînant alors une non-application de ces écrits dans ce contexte spécifique de prise en charge thérapeutique. Il faut donc considérer que les articles de loi suivant sont à respecter dans l’obligation de soins et dans son contrôle.

Un rappel est fait concernant le devoir de secret professionnel et les conséquences encourues lorsque celui-ci est violé. (Art L.1110-4)

Le probationnaire est un sujet actif à part entière, il choisit son thérapeute et type de thérapie qu’il va suivre. Il peut refuser le soin, et celui-ci ne peut alors lui être imposé. (Art.L.1111-4)

Le probationnaire a le droit de désigner une personne de confiance qui peut assister aux consultations et l’accompagner dans ses démarches. (Art.L.1111-6).

Il peut accéder à la totalité des informations médicales le concernant, soit directement, soit à sa demande par l’intermédiaire ou avec l’assistance d’un médecin qu’il nomme.  (Art.L.1111-7)

La loi du 4 mars 2002 semble pouvoir éclairer les rapports entre le travailleur social et le médecin, les droits des probationnaires, et les obligations propres aux travailleurs sociaux et celles propres au corps médical. Elle vient, en ne nommant pas le probationnaire et l’ODS comme une exception, affirmer l’absence de restriction des droits du probationnaire concernant sa santé par rapport aux droits du citoyen commun n’ayant pas d’ODS.

La CONFERENCE DE CONSENSUS du 22 et 23 novembre 2001 sur "  psychopathologie et traitements actuels des auteurs d’agression sexuelle. " (6) cite spécifiquement l’ODS dans un paragraphe. L’attestation du contrôle doit se faire à travers la présentation de certificats. L’avis sur le contrôle de l’ODS se limite à ce consensus.

DEROULEMENT DE L’ETUDE ET DONNEES SUR LA POPULATION PROBATIONNAIRE 

Le SPIP d’Angers suivait au mois de mai 2002 101 personnes dans le cadre d’une peine de sursis avec mise à l’épreuve ayant une obligation de soins pour des faits concernant des agressions sexuelles.

TYPE DE PEINE PRONONCEE SELON LE DELIT COMMIS 

Suivant la gravité du passage à l’acte et le statut de la victime, la peine prononcée sera différente. Elle se répartira en sursis avec mise à l’épreuve simple, condamnation à une peine ferme d’emprisonnement associée à une durée de sursis avec mise à l’épreuve.

  • Agression sexuelle sur majeur entraîne dans la majorité des cas un SME simple (60%), et 28% de SME mixte.
  • Viol : 50% de SME mixte et 50% de peine ferme uniquement.
  • Agression sur un mineur de 15 ans , les SME mixte représente 91%.
  • Agression sur mineur de moins de quinze ans : 69 % SME mixte et 23% de SME simple.
  • L’exhibitionnisme :87% de SME simple et 13% de SME mixte.

DUREE DES PEINES D’OBLIGATION DE SOINS

La durée de l’obligation de soins est de trois ans dans 53% des cas et de deux ans dans 26% des cas. Elle est inférieure à un ans que dans 2% des condamnations. Lorsqu’elle dépasse trois ans, elle correspond à une accumulation de peine de sursis dans le cadre de récidive.

DUREE DES PEINES D’EMPRISONNEMENT

Elle est comprise entre un ans et trois ans dans 62% des cas, le minimum est de deux mois (5%), le maximum est de cinq ans dans 2% des cas.

TRANCHE D’AGE PARMIS LES AGRESSEURS SEXUELS

Les plus représentés sont les sujets entre 41 ans et 50 ans avec 26%, ensuite les 31-40 avec 25%,puis les 51-60 avec 19%, et enfin les 20-30 avec 17%. Les sujets entre 61 et 70 ans représentent 9%, et les plus de 71 ans 4%. Donc plus de 50% des agresseurs sexuels ont entre trente et soixante ans.

SITUATION PROFESSIONNELLE 

47% ont un emploi, 32% sont en recherche d’emploi, 16% de retraité, enfin 5% en formation. On peut dire qu’en grande majorité l’agresseur sexuel a un emploi ou en recherche durant son suivi par le SPIP. Parmi les professions les plus retrouvées dans les dossiers, les emplois dans les transports et les emplois de nuit dominent. Ce type de travail respecte mal les cycles sommeil/veille, favorise la solitude et l’absence de communication. Les emplois aux conditions difficiles entraînant une certaine désocialisation, ainsi que les périodes de perte d’emploi, sont retrouvés chez les sujets au moment où il commette leur passage à l’acte.

NIVEAU D’ETUDE 

32% de cette population a un niveau de formation CAP/BEP, 27% niveau BEP, 13% CAP, 7% niveau BEPC, 7% collège, 7% primaire, 7% ont le baccalauréat. Cette population a donc en majorité une formation de type professionnelle plutôt qu’un cursus classique, pour aboutir à un métier de type manutentionnaire ou manutentionnaire qualifié.

B.DONNEES MEDICALES CONTENUES DANS LES DOSSIERS

Les données médicales ont été récupérées sur soixante dossiers.

1.LE CERTIFICAT MEDICAL 

C’est une attestation qui doit être fournie à la demande de la personne consultant pour prouver le respect de son obligation de soins. Ceci semble être le seul moyen officiel, préconisé par le corps médical, et demandé par le corps judiciaire, pour permettre un contrôle de cette obligation. Aucune autre consigne, directive n’est retrouvée dans les textes de loi soit du code pénal, soit des circulaires ministérielles concernant le SPIP, ou encore dans les consensus médicaux.

Il ne peut être directement demandé par le travailleur social au thérapeute, et le thérapeute ne peut le fournir spontanément au SPIP. L’ensemble des certificats contiennent systématiquement le nom et prénom de la personne s’étant présentée à la consultation, la date de la rédaction de ce certificat. Il certifie la présence de l’individu, mais ne rend pas compte du contenu de la consultation, de la participation réelle au soin. Il ne contient pas d’information médicale. Ce certificat est soit fait pour une consultation, soit couvre une période de suivi.

Sur les 60 dossiers, il est retrouvé des certificats dans 49% des cas ; alors ils sont en grande partie réguliers. L’absence de certificat, ne veut pas dire obligatoirement absence de soin, car plusieurs dossiers sans certificat contiennent des informations sur le suivi médical qui semblent soit être rapportées par le sujet soit dues à des échanges téléphoniques avec le médecin traitant. Le certificat est rédigé par différents professionnels : psychiatre, médecin généraliste, psychologue, infirmier de psychiatrie, infirmier en centre d’alcoologie.

Enfin, le certificat semble actuellement le seul témoin en partie fiable d’une prise en charge en soins mais il présente des limites. Le temps de réponse entre la non-présentation du certificat et les conséquences réelles judiciaires étant long, ceci ne rend pas persuasif ce contrôle pour le sujet. Un cadre plus strict devrait être mis en place : quels sont les professionnels qui peuvent le rédiger, fréquence précise de présentation de certificat. Par contre, l’absence d’information médicale dans le certificat doit être maintenue, dans le respect du secret médical.

2.FREQUENCE DES CONSULTATIONS

La fréquence des consultations est soit donnée par le sujet, soit prouvée par la date des certificats, soit notifiée sur le certificat. Nous retrouvons 36% une consultation par mois, 28% une consultation toutes les deux semaines, 20% une consultation tous les trois mois, 8% une consultation par semaine, 8% de consultation irrégulière. Les consultations faites une fois par semaine et une fois tous les 15 jours sont faites soit par un psychiatre soit par un psychologue, celles tous les trois mois en majorité par un psychiatre, celles une fois par mois par la majorité des généralistes, ainsi que par les autres intervenants.

En ce qui concerne les consultations irrégulières, il n’y a pas de prédominance retrouvée selon un type de thérapeute.

On peut penser que les personnes qui ont une consultation par semaine ou tous les 15 jours sont dans une prise en charge de type psychothérapie d’inspiration psychanalytique voir en psychanalyse, ceci semble en rapport avec une démarche volontaire d’effectuer un travail sur soi.

Il ne faut pas entendre par là qu’un suivi plus espacé est inadapté : une prise en charge de type psychanalytique n’est pas indiqué de façon systématique et pourrait même être néfaste dans le cas d’une erreur d’indication.

L’importance de la régularité des consultations est à mettre en avant ; elle est le reflet d’un certain engagement de la personne dans son suivi, et de la consolidation du lien entre le sujet et son thérapeute, cette prise en charge s’inscrit alors dans son histoire comme une période de sa vie, et non comme un événement incidentiel.

Il est à noté que les prises en charge par les médecins généralistes sont toutes régulières, et en majorité tous les mois. Il est vrai qu’ils ne communiquent pas ou peu avec les travailleurs sociaux, et qu’ainsi ils ne sont peut être pas au courant de la raison de l’obligation de soin . En tout cas, la relation entre le sujet et son thérapeute se consolide par la facilité que peut avoir le sujet à se confier ou s’adresser à son médecin de famille, mais il peut aussi tromper plus facilement son médecin généraliste et le laisser dans l’ignorance par rapport à la réalité des faits commis. Il faut donc notifié l’intérêt d’informer le médecin sur l’obligation de soin, voir lui proposer un certain travail en équipe avec la psychiatrie sectorielle.

3.TYPE DE PRISE EN CHARGE

Le sujet a actuellement la liberté de choisir par qui son obligation de soin va être faite. La liberté de ce choix n’est et ne doit pas être remise en cause fondamentalement. Mais le questionnement se pose sur la qualité de la prise en charge, la compétence de l’intervenant, sa connaissance dans le domaine des agresseurs sexuels. Une prise en charge pluridisciplinaire semble enrichissante et permet des outils thérapeutiques variés.

Dans 64% des cas, le suivi est effectué par un médecin psychiatre, 16% un psychologue, 13% un généraliste, 5% un centre d’alcoologie, 2% un infirmier. Tous les psychologues, ainsi que l’infirmier, font parti d’une structure psychiatrique sectorielle public, parmi les psychiatres, 34,29% sont des médecins libéraux.

Les psychiatres libéraux communiquent facilement par téléphone avec les travailleurs sociaux, les structures psychiatriques sectorielles de façon moindre, et enfin ce sont les médecins généralistes qui ont presque aucun rapport téléphonique.

La problématique d’une alcoolisation chronique parmi les personnes condamnées est fréquente, mais par ailleurs on ne peut s’arrêter sur l’idée que seul la consommation d’alcool serait responsable de l’agression sexuelle. Le problème d’exogénose doit être pris en charge sur le plan médical car il est reconnu comme étant un facteur de risque de récidive majeur. A l’opposé, il faut savoir que pour la majorité des agresseurs, cet état d’ébriété soit au long cours, soit au moment de l’agression, leur permet de dire qu’ils n’étaient pas eux même, en conséquence diminue voir annule leur responsabilité dans leur acte. De plus, se focaliser uniquement sur l’alcool, entraîne l’économie chez le sujet du questionnement sur son passage à l’acte. La prise en charge en centre d’alcoologie est manifestement une nécessité, et n’est pas assez fréquente vu la fréquence d’alcoolisme chronique dans cette population, mais elle n’empêche pas d’effectuer une prise en charge sur un axe psychothérapeutique spécialisé.

L’intérêt d’un réseau de soins est manifeste car chaque professionnel a une place propre, indispensable, et non interchangeable.

4.EXPERTISE :

Cinq thérapeutes ont demandé l’expertise psychiatrique contenue dans le dossier du SPIP , pour être au courant des faits reprochés, de l’analyse de l’expert, ceci apportant un éclaircissement à la situation. Cette demande est toujours faite avec l’accord du patient, en retour il est prévenu par courrier par le travailleur social de cette demande et de la transmission de l’expertise. Seul des psychiatres et un psychologue par l’intermédiaire de son chef de service, ont fait cette démarche. aucun refus n’est à noter de la part du sujet, on peut se poser la question de savoir sur le plan juridique qu’elle est la légalité de la transmission de cette pièce avec l’accord mais aussi dans le cas où le condamné s’y opposerait.

5.DONNEES D’ORDRE MEDICAL RETROUVEES DANS LES DOSSIERS

Ces données médicales sont soit notées par le travailleur social sur les fiches de suivi, soit proviennent de documents joints photocopies ou originaux. Il les récupère à travers les discussions téléphoniques avec le thérapeute qui suit le sujet, ou ce sont directement les dires du sujet.

Sur 60 dossiers, quinze contiennent des renseignements apportés par le thérapeute au cours de discussions téléphoniques. On retrouve l’état psychiatrique, l’évolution psychiatrique, voir d’autres informations médicales que celles concernant l’obligation de soin. 1/6 contiennent le traitement pris par le sujet avec la posologie ; cela concerne surtout des traitements oraux, uniquement deux traitements injectables retards.

Parmi les pièces médicales : courrier avec compte rendu de consultation fourni par le thérapeute, résultat biologique original, photocopie d’ordonnance. Tous ces renseignements sont les preuves que peut apporter le travailleur social au magistrat mandant pour confirmer le respect de l’obligation de soin ou au moins sa bonne surveillance. Aucune circulaire ne notifie quelles pièces médicales doivent être conservées ou le contraire, dans le dossier. Par contre, il est demandé au travailleur social la plus grande objectivité dans ses écrits, et le respect du secret professionnel entraînant la non-transmission des informations ne concernant pas directement le sujet, ou n’ayant aucune utilité dans le bon contrôle de ces obligations, au juge d’application des peines.

On peut penser que si dans le consensus de novembre 2001, il est clarifié le fait que le juge d’application des peines ne puisse être renseigner sur l’état psychiatrique du sujet qu’en ordonnant une expertise, alors toute information médicale apportée au dossier du SPIP doit être succincte, fourni par le sujet, ne pas comporter de précisions médicales en réalité inutiles pour le contrôle. Les communications entre le médecin et le travailleur social sont aussi litigieuses ; elles ne doivent concerner que la stricte information nécessaire à apporter la preuve d’un suivi de l’obligation de soin correct, en même temps ces échanges sont le reflet de la réalité de cette relation entre médecin et corps judiciaire ; elle est présente, doit être impérativement conservée, mais demande de filtrer une partie des informations pour garantir l’intégrité de la déontologie médicale. La qualité du travail des travailleurs sociaux n’est aucunement remise en cause ,dans le flou des directives qui leur sont apportées, ils répondent de façon individuelle à ce contrôle, par un flot d’information.

CONCLUSION 

La collaboration entre le corps médical et le service pénitentiaire d’insertion et de probation est indispensable dans la mise en place de l’obligation de soins chez les agresseurs sexuels. Elle doit passer par une harmonisation des moyens de contrôle et de suivi effectué par le travailleur social, ainsi que par la plus grande objectivité dans les écrits. Les données médicales annotées dans le dossier du probationnaire doivent concerner uniquement cette personne et la prise en charge thérapeutique s’inscrivant dans l’objectif de l’obligation de soins. Toutes informations médicales apportant des précisions sur cette prise en charge n’ayant pas d’intérêt dans le contrôle du suivi, ou sortant du cadre du suivi, ne doivent pas être intégré dans le dossier. L’importance du certificat est à mettre en avant ; en rappelant qu’il est obligatoire de fournir régulièrement cette pièce, en cas de non-présentation, il est du devoir du SPIP d’en avertir rapidement le magistrat mandant. Le flou entourant cette mesure obligatoire doit être dispersé par une réflexion sur une structuration générale stricte du contrôle.

Cette harmonisation et cette qualité du suivi ne s’arrêtent pas uniquement aux travailleurs sociaux. Celles-ci concernent les thérapeutes acceptant de prendre en charge des patients pour une obligation de soins. Cette harmonisation ne doit pas aller à l’encontre de l’intervention de différents types de thérapies mais oblige à une connaissance approfondie des troubles psychiques en lien avec les passages à l’acte d’ordre sexuel, de même à une formation continue dans ce domaine. Les échanges de point de vue, ainsi que la prise en charge en équipe pluridisciplinaire, la construction d’un réseau médical faisant intervenir psychiatres, médecins généralistes, psychologues, infirmiers, est à promouvoir.

Il ne faut pas oublier que le probationnaire a des droits. Le premier droit est celui d’être reconnu comme sujet, il est le réel propriétaire des informations concernant sa vie et ainsi donc sa santé, nous ne sommes que dépositaires de ses informations, autorisés soit par lui soit dans une certaine mesure par la justice, celle-ci ne peut éthiquement élargir son droit de regard à l’ensemble des informations concernant la vie de ce sujet, mais doit se borner à celles utiles à son application. Enfin, ce sujet a le droit de refuser les soins ; aucun thérapeute ne peut déontologiquement soigner quelqu’un contre son gré, il est alors du ressort de la justice de maintenir ou pas l’obligation de soin dans le cadre du sursis avec mise à l’épreuve, et de sanctionner le non-respect des engagements pris par le probationnaire lors de sa condamnation.

BIBLIOGRAPHIE

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  • Lameyre X.   Pour une éthique des soins pénalement obligés  Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, juillet-septembre 2001 ; 3 :521-536.

     

  • Cordier B. Ethique et obligation de soins en matière de déviance sexuelle. L’Evolution psychiatrique 1998 ; 63 : 1-2.

     

  • Texte des recommandations élaborées par le jury de la conférence de consensus " psychopathologie et traitements actuels des auteurs d’agression sexuelle ". 5° Conférence de consensus de la Fédération Française de Psychiatrie. Novembre 2001

     

  • 2.Circulaire ministérielle NOR JUSE9940065C du 5 octobre 1999 : circulaire relative aux missions des services pénitentiaires d’insertion et de probation et à leurs relations avec les autorités judiciaires.

     

  • 3.Circulaire ministérielle NOR JUSE004086C du 21 novembre 2000 : circulaire relative aux méthodes d’intervention des travailleurs sociaux des services pénitentiaires d’insertion et de probation.

     

  • 4.Circulaire ministérielle NOR JUSE9940287C du 27 décembre 1999 : circulaire relative aux relations des services pénitentiaires d’insertion et de probation avec les autres services pénitentiaires et leurs partenaires.

     

  • Nouveau Code Pénal

     

  • Loi N°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades à la qualité du système de santé.

     

  • M.-G SCHWEITZER,N.PUIG-VERGES, article : " la prise en charge des auteurs d’infractions sexuelles, entre demande et adhésion. Question pour le consentement. ", revue L’information Psychiatrique N°5 mai 2001.

     

  • G.DUBRET, article : " Obligation et continuité de soins pour les auteurs d’infractions sexuelles, modalités d’accès aux soins. Difficulté du suivi ambulatoire. ", Revue L’information Psychiatrique N°5 mai 2001.