Module
3 – Question 47
BASES
PSYCHOPATHOLOGIQUES
DE LA PSYCHOLOGIE MÉDICALE
Rédaction :
M. Escande -
Relecture : M. Marie Cardine
I – DÉFINITIONS
ET GÉNÉRALITÉS
1. La psychologie
Est
une science dont le but est de décrire et d’expliquer sur un mode vérifiable
les conduites des êtres vivants. Elle vise l’être vivant en tant qu’unité
élémentaire, alors que la sociologie a les mêmes buts mais visant les
groupes sociaux. Mais comme de nombreuses caractéristiques des individus
(conduites, comportements, traits etc.) sont déterminés par les groupes
sociaux et culturels, le cloisonnement entre les deux est loin d’être étanche.
Certains individualisent même la Psychosociologie. Les conduites, objet d’étude
de la Psychologie, sont définies par la combinaison de pensées, émotions et
actes et la finalité de leur organisation. Elles concernent en particulier
deux domaines : les comportements psychomoteurs et les fonctions
psychologiques (perception, apprentissage, mémoire, pensée, langage,
motivations, émotions).
La
description et l’explication scientifiques des conduites s’étayent sur un
ensemble de techniques d’étude et de théories.
2. La psychologie pathologique
Elle
a pour objet l’étude des troubles mentaux, alors que la psychiatrie s’intéresse
surtout au sujet malade ou troublé. La psychologie pathologique utilise ses
connaissances du sujet normal pour comprendre le fonctionnement du sujet
malade.
3. La psychologie médicale
Science
et pratique, elle a comme objet l’approche des aspects psychologiques
personnels et interpersonnels, en relation avec la maladie.
Ces
aspects psychologiques concernent de nombreux champs de la médecine :
. les facteurs de causalité ou de prédisposition de la
maladie, en particulier des maladies psychosomatiques (asthme,ulcère etc.),
de la pathologie dite « fonctionnelle » (répercussions somatiques
d’un dysfonctionnement psychique).
. les réactions et l’adaptation du malade à la maladie et
aux thérapeutiques (déni, anxiété, dépression etc.), déterminantes pour
l’attitude du patient et l’évolution de la maladie.
. les demandes d’ordre relationnel et affectif concomitantes
des symptômes médicaux, visant le médecin mais aussi l’environnement du
patient (famille, milieu professionnel etc.)
. les multiples aspects relationnels : la relation médecin-malade,
les relations du malade et du médecin avec la famille, du médecin et du
malade avec la société (représentations sociales de la santé etc.)
. La pratique du médecin, notamment les aspects subjectifs de
celle-ci (façons d’examiner, informer, de prescrire, soigner,
d’accompagner) ; la personnalité du médecin est un élément central
de sa pratique.
. une approche médicale globale de l’individu malade intégrant
les composantes biologiques, psychologiques, psychosociales et historiques,
par opposition à une médecine technique d’un organe.
. le pouvoir médical, excessivement sollicité par la société
pour résoudre des problèmes sortant de son champ de pratique (ex :
enfants surdoués, délinquance etc.)
La
Psychologie Médicale s’appuie sur différentes méthodes (ex :
Psychanalyse, Psychobiologie, Neuro-biologie, Ethologie, Génétique etc.), la
ou les méthodes choisies devant être le plus scientifique possible pour
l’approche des données psychologiques.
II - LE MALADE ET SA
MALADIE
Les
objectifs d’une telle approche sont multiples. Ils sont de comprendre quand,
pourquoi et comment une maladie prend sens dans la vie et l’histoire d’un
sujet, provoque une rupture ou une discontinuité dans l’existence.
Ils
sont aussi de comprendre en quoi la maladie altère les idéaux de santé, non
pas sociaux et collectifs, mais de l’individu lui-même.
Ils
sont de plus d’évaluer les effets psychiques de la maladie, les réactions
du patient à celle-ci, mais aussi aux attitudes médicales et soignantes,
voire aux réactions de l’entourage familial.
Enfin,
il est très important de saisir et comprendre pourquoi et comment un sujet
transforme des phénomènes intra-psychiques. Les enjeux de la Psychologie Médicale
sont aussi d’intégrer le mode de pensée psycho-somatique.
1. Les caractéristiques de la maladie
La
maladie est à l’origine d’une atteinte de l’intégrité du sujet,
d’une gêne à l’exercice normal de sa vie. La maladie entraîne une
rupture de l’équilibre antérieur, à laquelle le patient doit s’adapter.
Cette adaptation mobilise une quantité de l’énergie psychique du patient.
Ainsi, la maladie est susceptible de déclencher chez l’individu un certain
nombre de réactions, variables selon sa personnalité, sa représentation
imaginaire et la représentation collective de la maladie.
Les
réactions psychologiques à la maladie
dépendent de facteurs liés à la maladie elle-même. Les maladies chronique
soulèvent des problèmes différents de ceux posés par les maladies aiguës.
Les maladies graves mobilisent profondément la psychologie individuelle par
une brusque résurgence de l’angoisse de mort. Certaines maladies induisent
des handicaps aux conséquences multiples.
Enfin, certaines affections entraînent des réactions particulières
qui dépendent de la culture :
par exemple les représentations culturelles de l’épilepsie.
Même
si l’expérience de la maladie est avant tout négative et source de
souffrance, la maladie peut aussi être source de bénéfices.
Les
bénéfices primaires jouent un rôle dans le déclenchement de la
maladie ou de l’accident, soit comme cause à part entière soit comme
facteur déclenchant. Ainsi, la maladie permet d’apporter une solution à
une situation de tension interne ou de souffrance narcissique peu supportable :
la maladie apaise et soulage.
Les
bénéfices secondaires résultent des conséquences de la maladie sans
intervenir directement dans son apparition, même s’ils peuvent favoriser sa
pérennisation. Certains bénéfices sont conscients et connus du malade (arrêt
de travail pour une maladie) alors que d’autres sont inconscients : se
soustraire à des relations frustrantes, éviter les obligations familiales et
sociales, fuir dans l’imaginaire et la pensée magique, être reconnu comme
malade par l’entourage, être materné… Lorsque ces différents bénéfices
sont plus importants dans l’économie du malade que ceux qu’il trouve dans
son fonctionnement de sujet sain, le sujet peut avoir des difficultés à guérir
de sa maladie.
2. Le patient
Le
patient réagit à sa maladie en fonction de ce qu’il est, notamment de son
âge, son histoire personnelle et sa personnalité. Différents modèles
psychologiques et psychopathologiques peuvent s’appliquer dans ce contexte.
. Modèles de « défense du moi »
Ils
sont issus des théories psychanalytiques. Ce modèle postule que, pour lutter
contre tout ce qui peut susciter le développement de l’angoisse,
l’individu mobilise des opérations inconscientes qu’on nomme « mécanismes
de défense du Moi ».
Les
mécanismes de défense peuvent être regroupés en 4 domaines :
- défenses psychotiques : projection délirante, déni,
distorsion
- défenses immatures : projection, fantaisie schizoïde,
hypocondrie, acting-out
- défenses névrotiques : refoulement, déplacement, formation réactionnelle,
intellectualisation, isolation
- défenses matures : altruisme, humour, anticipation,
sublimation, comportement passif agressif, suppression et dissociation.
Les
défenses habituellement considérées comme les plus pathologiques sont les défenses
psychotiques et immatures.
. Modèles de « coping »
Ils
sont issus des théories cognitivo-comportementales. Le verbe « to cope »
signifie en anglais « faire face ». D’après ces modèles, le
stress, que l’on peut définir comme une « réaction adaptative à un
stimulus », ne dépendrait pas seulement de l’événement, ni de
l’individu, mais d’une transaction entre l’individu et
l’environnement. Ainsi, une réponse inadaptée survient lorsqu’une
situation (par exemple une maladie) est évaluée comme débordant les
ressources et pouvant mettre en danger le bien-être. Cette réponse est le résultat
d’un déséquilibre entre les exigences de la situation provocatrice et les
ressources de l’individu pour y faire face.
Les
stratégies d’adaptation au stress peuvent être de différentes natures :
résolution du problème, notamment recherche d’information., acceptation de
la confrontation, prise de distance ou minimisation des menaces, ré-évaluation
positive, auto-accusation, fuite-évitement, recherche d’un soutien social,
maîtrise de soi par exemple.
Globalement
les stratégies actives sont souvent les plus efficaces pour réduire la
tension.
. La description des personnalités pathologiques a aussi une
pertinence dans le domaine de la psychologie médicale. Les personnalités
pathologiques induisent de véritables difficultés thérapeutiques pour les médecins
mal informés ou peu sensibles à cet aspect de la psychopathologie.
3. Les types de réaction à la maladie
Toute
maladie plonge le sujet dans une situation nouvelle et déclenche de
nombreuses modifications psychologiques. Le médecin doit savoir reconnaître
ces modifications comportementales et l’origine de ces processus
psychologiques nouveaux : la compréhension de leur sens est en effet
souvent indispensable au bon déroulement du traitement proposé.
Différents
types de réaction peuvent être retrouvés.
. Réactions anxieuses
Elles
sont fréquentes.
L’état
de maladie représente pour l’individu une menace vitale et une atteinte de
l’intégrité du Moi. Elle est liée à la peur de la mort, la souffrance,
l’altération des liens affectifs et/ou sociaux. Au cours de certaines
maladies, l’angoisse est expliquée par les mécanismes lésionnels et/ou
biologiques.
L’anxiété
associe des manifestations psychiques, somatiques et comportementales. Elles
sont décrites dans le chapitre « troubles anxieux et troubles de
l’adaptation ».
L’anxiété
témoigne en général d’un processus normal d’adaptation aux contraintes
et aux conséquences de la maladie. Lorsqu’elle est pathologique, l’anxiété
nécessite d’être traitée.
.
Attitudes de régression et de dépendance
Il
s’agit des réactions les plus banales. La régression psychique est
fonction de la gravité de la maladie et de la structure de la personnalité
du sujet. Cette régression peut se traduire par une réduction des intérêts,
un égocentrisme, une dépendance vis à vis de l’entourage et des
soignants, un mode de pensée magique (croyance en la toute puissance du médecin,
du médicament).
La
régression est un processus normal et nécessaire car il permet au patient de
s’adapter à la situation nouvelle de maladie. Elle peut aussi être utile
au processus thérapeutique (observance du traitement par exemple). Alors que
la maladie favorise les processus de régression, la guérison doit
s’accompagner d’une reprise d’autonomie. C’est le cas pour nombre de
patients.
La
régression peut être aussi pathologique si elle est trop importante en
intensité et en durée et empêche la
participation active et énergique du patient au processus thérapeutique.
Dans ces circonstances, la tâche du médecin consistera à tenter de limiter
les tendances régressives, pour qu’elles ne constituent pas un frein à la
guérison. Ces attitudes sont souvent retrouvées chez les personnalités
passives-dépendantes et histrioniques.
Enfin,
la régression et la dépendance peuvent être absentes. Dans ce cas, le médecin
doit favoriser l’expression de ces processus pour obtenir de bons résultats
thérapeutiques.
. Attitudes de minimisation, négation et refus de la maladie
Ces
réactions sont courantes. Elles peuvent aller jusqu’à des attitudes de négation
et de refus de la maladie reposant sur des mécanismes de dénégation ou de déni.
Par exemple, tel patient « refuse de s’écouter » et dénie
partiellement la réalité en méconnaissant la gravité de son état et en
rationalisant sa maladie qui « est due à un surmenage passager ».
Ces
attitudes peuvent s’accompagner parfois de comportements d’hyperactivité
centrée sur la maladie (consultations multiples).
.
Réactions d’ordre narcissique
Le
narcissisme définit le caractère de « tout inviolable, impérissable,
important, capable et digne d’être aimé » de l’individu (Balint).
La maladie menace l’intégrité de l’individu et induit des réactions
variables sur son narcissisme.
Certains
patients se sente avant tout blessés et vivent une expérience de « faille
narcissique ». Certains la surmonteront en se repliant sur eux-mêmes et
en accentuant leur égocentrisme, alors que d’autres développeront des thèmes
dépressifs associés à la crainte de ne plus être dignes d’être aimés.
Certains
patients au contraire voient leur narcissisme renforcé par l’expérience de
la maladie : l’intérêt porté à sa propre personne malade devient la
source de nombreuses satisfactions. Certains comportements narcissiques
pourront être utiles au médecin, s’ils facilitent la participation du
patient à la thérapeutique. Ces réactions narcissiques sont fréquentes
chez les sujets dont la dimension de narcissisme est une dimension dominante
du fonctionnement psychique.
. Réactions dépressives
Elles
sont fréquentes au cours des maladies chroniques et/ou sévères. En effet,
la maladie représente une atteinte de l’image idéale de soi, c’est à
dire du narcissisme du sujet. Elle représente aussi une confrontation avec la
mort. A ce double titre, elle peut être à l’origine de réactions dépressives,
qui sont par ailleurs favorisées par certains facteurs biologiques, lésionnels
et thérapeutiques.
Les
réactions dépressives peuvent être exprimées par le malade (sentiment de dévalorisation,
d’incomplétude, de fatalité avec abandon de tout projet et de tout
souhait) ou masquées par des plaintes en particulier somatiques.
. Attitudes agressives et persécutives
L’agressivité
n’est pas l’apanage des patients psychiatriques. Elle est souvent le
reflet de la perception d’une menace. Elle peut s’exprimer de façons très
variées : agressivité passive, agressivité verbale voire agressivité
physique.
L’agressivité
peut aussi témoigner d’un sentiment d’injustice et de persécution. Se
considérant comme victimes d’une agression, certains patients pensent plus
ou moins consciemment qu’on « on leur veut du mal ». Le mécanisme
de défense mis en jeu est un mécanisme projectif.
4. Le caractère pathologique de la réaction
Il
n’y a pas de stratégie défensive idéale vis à vis de la maladie. Le
caractère pathologique de la réaction et la nécessité d’une intervention
thérapeutique seront en général les suivants :
-
la souffrance du patient et son inadaptation à la situation
-
le caractère inhabituel de la réaction dans son intensité
-
le caractère inhabituel de la réaction dans sa durée.
III – LA RELATION
MÉDECIN-MALADE
La
relation thérapeutique médecin-malade est déterminée par de nombreux
facteurs, individuel et socio-culturels. De même que le malade réagit à sa
maladie en fonction de sa personnalité propre, le médecin réagit face à
son malade par un certain nombre d’attitudes conscientes et inconscientes
qui dépendent de sa personnalité et de son histoire, et qui sont
susceptibles d’infléchir le cours de la relation thérapeutique.
1.
Les particularités psychiques et psychosociales du médecin
. Le choix individuel de la profession
Il
s’explicite par des motivations conscientes sous-tendues par des mobiles
plus inconscients.
Ainsi
les désirs de voir, comprendre, savoir, toucher, pouvoir sont sous tendus par
le couple pulsionnel voyeur-exhibitionniste plus inconscient. Les désirs
conscients de soulager, se rendre utile, réparer, gagner de l’argent sont
sous tendus par l’attrait de la réparation des tendances agressives et
sadiques.
. Les attentes de la société
Elles
peuvent influer sur le choix de la profession. Elles concernent : le
savoir technique, l’altruisme, l’universalité du pouvoir, le désintéressement,
la neutralité affective, morale, juridique voire politique et religieuse. Ces
attentes réelles ou imaginaires peuvent confronter le médecin à des
conflits internes.
2.
Les caractéristiques générales de la relation médecin-malade
. Les données classiques
Avec
ses symptômes, un malade demande certainement au médecin-technicien de le guérir
de sa maladie, mais il demande aussi d’autres choses. L’Homme malade
demande soutien, réassurance, sécurité et affection ; il demande donc
à son médecin une véritable relation affective et une disponibilité,
compatibles avec l’exigence de neutralité qui incombe au médecin.
Le
médecin réagit devant son malade non seulement comme un technicien averti
des maladies, mais aussi comme personne ayant une histoire propre, plus ou
moins sensible à la souffrance de l’autre.
Ainsi
la relation médecin-patient a les caractéristiques suivantes :
-
c’est une relation fondamentalement fondée sur l’inégalité et l’asymétrie,
puisque la demande du patient le rend passif et dépendant et puisque sa
souffrance le mobilise et le diminue.
-
c’est une relation d’attente et d’espérance mutuelle : le malade
attend la guérison ou au moins le soulagement, le soignant la reconnaissance
de son pouvoir réparateur
-
c’est une relation où le lieu d’échange est avant tout le corps mais où
la parole a sa place
-
c’est une relation de confiance non égalitaire, impliquant la distance et
l’aseptie.
. L’apport du modèle psychanalytique
La
théorie psychanalytique a défini le concept de transfert. Il s’agit des réactions
affectives conscientes et inconscientes qu’éprouve le patient à l’égard
de son médecin.
En
effet, dans le cadre de la relation médecin-malade des désirs inconscients
sont actualisés et un certain nombre de désirs insatisfaits du patient vont
se projeter sur la personne du médecin en ce qu’il représente –
inconsciemment – un autre personnage. Le malade peut ainsi répéter des
situations conflictuelles qu’il a vécu dans son passé.
La
théorie psychanalytique a aussi défini le concept de contre-transfert alors
que le malade est sujet au transfert, le contre-transfert se définit comme
les réactions affectives conscientes et inconscientes qu’éprouve le médecin
vis à vis de son patient. Ce contre-transfert et très directement lié à la
personnalité et à l’histoire personnelle du médecin.
Le
plus souvent, le contre-transfert est positif, permettant une relation médecin-malade
de qualité caractérisée par l’empathie du médecin et une action thérapeutique
efficace. Une relation médecin-malade de qualité fait référence au fait
que le médecin s’identifie au patient et comprend sa situation tout en étant
capable de garder une certaine distance vis à vis de lui, distance requise
par l’objectivité nécessaire à la prise de décisions thérapeutiques.
Un
contre-transfert excessivement positif risque de conduire à une
identification massive au malade et/ou à une perte d’objectivité dans les
soins.
Ailleurs,
un contre transfert négatif induisant l’agressivité et des frustrations
excessives du malade peut être à l’origine d’échecs de la relation thérapeutique.
Il en est de même pour une absence de contre-transfert qui peut conduire à
une froideur excessive.
. L’apport des travaux de M. Balint
M.
Balint, psychanalyste hongrois, a développé une modalité originale
d’approche de la relation médecin-malade.
Ces
travaux sont issus de quelques constatations : 1. il existe un certain
nombre d’insuffisances de la médecine traditionnelle, qui étudie plus les
maladies que les malades. 2. Un tiers de l’activité professionnelle d’un
médecin généraliste ne relève que d’une action psychothérapeutique et
3. que la relation médecin-malade s’organise entre 2 pôles extrêmes de
domination et de soumission auxquels correspondent le pouvoir du médecin et
la fragilité du malade.
Pour
Balint, le médecin est un remède en soi, même si son action est médiatisée
par un médicament. Ainsi, une meilleure maîtrise de la relation
inter-individuelle doit permettre au médecin d’établir avec son patient un
échange affectif qui aura des vertus curatives. C’est l’objectif des
« Groupes Balint » consacrés à l’approche en groupe des
diverses problématiques relationnelles médecin-malade.
. Les données récentes
La
relation médecin-patient est actuellement en pleine mutation.
Mettant
en avant les droits de l’individu, notre société souhaite faire évoluer
la relation médecin-patient d’un modèle « paternaliste » vers
un modèle d’ « autonomie ». Cette évolution se traduit
notamment dans les nouvelles obligations liées à l’information et
consentement éclairé du patient concernant les soins et à la communication
du dossier médical au patient.
Ainsi,
le médecin risque d’avoir une marge de manœuvre relativement faible entre
ses obligations éthiques et déontologiques anciennes d’une part et ces
nouvelles modalités de fonctionnement d’autre part.
D’une
façon un peu schématique, la situation pourrait être ainsi résumée :
le médecin devra trouver un juste milieu entre deux pôles extrêmes.
Le
premier pôle est une relation dite « paternaliste » trop inégalitaire,
respectant insuffisamment l’individu, trop peu concerté et informé des
traitements.
Le
second rôle correspond à une relation dite d’ « autonomie ».
Dans cette relation, le médecin, désinvestissant son rôle et son statut de
médecin, se déresponsabiliserait de toute décision pour le patient :
le patient, sensé être capable de prendre les meilleures décisions pour
lui-même (dans les domaines aussi difficiles que sa maladie ou sa mort par
exemple), serait quant à lui renvoyé à des décisions imprenables, car le
mettant dans une position ingérable en termes psychologiques et risquant de
conduire au fait qu’il ne bénéficie pas des meilleurs traitements pour
lui-même.
En
pratique, et pour respecter le patient sans se dédouaner de son rôle, le médecin
se devra d’expliquer sa maladie au patient en adaptant son langage à celui
du patient. La communication du dossier médical devra se faire, autant que
possible, dans le respect de ces grands principes.
3.
Quelques situations pratiques
Quelques
exemples particulièrement fréquents sont illustrés dans ce paragraphe
. Attitudes face à l’angoisse
L’attitude
la plus adaptée est le plus souvent une attitude souple d’écoute
bienveillante, centrée sur les préoccupations du malade, associée une attitude de ré-assurance et d’explication des symptômes.
Certains
médecins, au tempérament « actif » et « volontaire »
préfèreront des attitudes plus directives, qui entretiennent l’image
mythique du « médecin-Sauveur ». Elles sont sous-tendues par une
tentative d’identification directe du malade au médecin : « Soyez
fort comme moi ». Ce type d’attitude donne des résultats inconstants,
parfois négatifs.
. Attitudes face à l’agressivité :
Les
réactions agressives du médecin face à l’agressivité du patient sont fréquentes
car certains médecins tolèrent mal les revendications agressives de leurs
patients. Ces réactions agressives sont à éviter car elles entraînent
souvent une escalade dans l’agressivité et une rupture de la relation thérapeutique.
L’attitude
la plus adaptée consiste, dans la mesure du possible à reconnaître et
nommer l’émotion du patient, ne pas refuser le principe du dialogue mais
sans chercher à discuter rationnellement.
. Attitudes face à l’hypochondrie
L’hypochondriaque
confrontera le médecin à l’impuissance thérapeutique. Si le médecin
l’accepte, il évitera toute surenchère de médicalisation qui pérenniserait
les troubles voire les aggraverait.
. Attitudes face à la séduction histrionique
Ces
patients, suggestibles, influençables, dépendants se moulent au corps médical
avec une plasticité étonnante. Guérir pourrait alors signifier pou eux une
rupture de ce lien affectif. Ce phénomène favorise l’engrenage des
hospitalisations abusives, de la iatrogénie, des bénéfices secondaires. Le
médecin doit avoir pour objectif de prévenir cet engrenage.
. Effet non spécifique : effet placebo
Le
placebo désigne toute substance pharmacologique inerte, susceptible de
modifier l’état du malade, soit en l’améliorant (effet placebo-positif),
soit en déclenchant des effets indésirables (effet placebo-négatif ou effet
nocebo).
L’effet
placebo dépend de nombreux facteurs : nature des symptômes pour
lesquels il est administré, présentation du placebo et modalités de sa
prise (nombre et couleur des comprimés), personnalité du sujet, influence du
prescripteur. Les sujets placebo-répondeurs sont plutôt les sujets sociables
et extravertis, qui ont une « attente » par rapport aux effets du
produit. Le prescripteur, influence la réponse au placebo. La relation
positive au médecin favorise la réponse au placebo et par extension au
traitement actif.
. Observance et relation médecin-malade
Une
réaction médecin-malade de qualité est un facteur qui favorise
l’observance du traitement médicamenteux au long cours.
Conclusion
L’ensemble
de ces enjeux, dont la complexité est perceptible justifie pour le moins une
formation psychologique du médecin, qui devrait être acceptée et reconnue
par tous.
Dans
une société en pleine mutation pour ce qui est de la relation médecin-patient,
cette formation permettra au médecin :
. d’éviter l’utilisation inadaptée et parfois pathogène des
dimensions psychologiques
. de jouer son rôle apaisant et réorganisateur à travers la qualité
de la relation établie avec le patient et son entourage.
Indications
de lectures complémentaires :
-
PH. JEAMMET et al.
" Psychologie médicale ", coll. ABrégés, Masson, Paris, 2° éd.
1996
-
BALINT M. " Le
Médecin, son malade et la maladie " Trad. J.P. VAlabrega,7° éd. Petite
coll. PAYOT, PARIS, 1996
-
GUYOTAT J (éd) et
al. Psychothérapies Médicales, collection Médecine et Psychothérapie,
Masson, Paris, 1978.