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Figures de la parentalité dans
la peinture occidentale et les arts visuels Moïse ou la première adoption
internationale :
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"Cet enfant si remarquable, Thermouthis l'adopte, le sort ne lui ayant pas donné de progéniture ; un jour, elle amène Moïse à son père pour le lui faire voir et, comme il se préoccupait de son successeur, la volonté de Dieu lui ayant refusé un fils légitime, elle lui dit : « J'ai élevé un enfant d'une beauté divine et d'un esprit généreux ; je l'ai reçu merveilleusement de la grâce d’un fleuve et j'ai songé à en faire mon fils et l'héritier de ta royauté ». Cela dit, elle met l'enfant entre les bras de son père ; celui-ci le prend, le presse avec bienveillance contre sa poitrine et, par amitié pour sa fille, lui met sur la tête son diadème ; mais Moïse jette le diadème à terre après l'avoir ôté de dessus sa tête par une espièglerie d’enfant et le foule même aux pieds. Et l'on voulut voir là un présage relatif à la royauté."
Cette
scène, réécrite par Flavius Josephe à partir du Midrash Tanhouma,
douze siècles environ après son déroulement supposé, est d'une justesse
psychologique et d'une modernité qui peut étonner le lecteur, vingt
siècles plus tard. La situation familiale est en elle-même très moderne
mais détonne face à nos représentations de l'époque : une jeune femme célibataire
adopte un enfant, étranger de surcroît, vraisemblablement fils
d'émigrés, contre la volonté de son père. Il est vrai que le statut de
la femme en Égypte était alors enviable comparé aux autres civilisations antiques.
Le deuxième élément remarquable est le débat contradictoire qui se
déroule en réponse au geste de Moïse enfant qui jette à terre la
couronne royale de son grand-père adoptif. La première interprétation,
celle du grand-prêtre, est celle du refus de l'autorité, voire du signe
prémonitoire de la rébellion future chez un si jeune enfant, auquel on
peut associer le signe du refus de sa filiation adoptive : "Tu n'es
pas mon père et tu n'as pas d'ordre à me donner". Face à des
signes précoces de "délinquance infantile" : protéger ou punir
? Voilà un débat très moderne qui s'engage.
Mais la réponse de Pharaon et de sa fille est tout autre : il ne s'agit là
que d'un quiproquo, ce n'est qu'une espièglerie d'enfant, face à laquelle
il n'est nul besoin de s'attarder. Il y a trente deux siècles de
cela, nos anciens montraient une finesse d'analyse psychologique dont
certains de nos contemporains pourraient utilement s'inspirer.
Jacques Stella (1596, 1657) Moïse foulant aux pieds la couronne de Pharaon Huile sur toile - 165 x 105 cm Troyes, Musée des Beaux-Arts |
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REMBRANDT
Harmensz van Rijn (1606,1669) "Moïse enfant, foulant du
pied la couronne de Pharaon"