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Avertissement : toute référence à cet
article doit faire mention de son auteur et du site du "Service de
pédopsychiatrie CHU Angers" Est-il souhaitable d'être surdoué ?
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Evariste Gallois (né le 25 octobre 1811) est un génie mathématique inventeur, entre sa dix-septième et sa vingtième année, de l’algèbre moderne en développant la théorie de résolution possible ou non des équations d’un degré supérieur à cinq. Il aura un destin tragique marqué par la rébellion contre l’autorité et l’incompréhension de ses maîtres. |
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Entré
à 13 ans en 4ième au Lycée Louis Le Grand il se fait remarquer
par son désintérêt pour le travail scolaire et son indiscipline malgré des
dons d’écriture évidents. Il ne s’intéresse qu’aux mathématiques. «Cet
élève a une supériorité marquée sur tous ses condisciples; il ne
travaille qu'aux parties supérieures des mathématiques» dira
un de ses professeurs.
Mais
d’autres écriront : « Sa facilité ne parait plus qu'une légende
à laquelle on cessera bientôt de croire; - il n'y a trace dans les devoirs,
quand il daigne en faire, que de bizarrerie et de négligence; - il est
toujours occupé de ce qu'il ne faut pas faire, il l'affecte même; - il prend
à tâche de fatiguer ses maîtres par une dissipation incessante; - il baisse
tous les jours. Il perd son temps ici et n'y fait que tourmenter ses maîtres
et se faire accabler de punitions».
A
dix-huit ans il publie son premier mémoire: démonstration d'un théorème
sur les fractions continues périodiques, et aussitôt après confie au mathématicien
Cauchy une première communication à faire à l'Académie des Sciences.
Cauchy perd le manuscrit.
Il échoue une première fois au concours d'entrée à l'Ecole Polytechnique.
S'y présentant à nouveau, il s'y trouve en butte à l'incompréhension de
ses examinateurs, et jugeant une question insignifiante, refuse d’y répondre
et est ajourné une nouvelle fois.
Entré à défaut à l’Ecole
Normale Supérieure (appelée à l’époque l’Ecole préparatoire), on
propose l'ensemble de ses recherches pour le concours du Grand Prix de mathématiques
de l'Académie des sciences, dont le secrétaire perpétuel, Fourrier, meurt
avant de l'avoir examiné. Une fois de plus, le manuscrit est perdu.
Il s’engage dans une action politique révolutionnaire, fait de la prison, s’éprend d’une jeune fille et meurt des suites d’un duel au pistolet avec un rival à 20 ans (le 31 mai 1832). Avant ce duel il avait réunis sur quelques feuillets les bases de son travail mathématique qui ne sera re-découvert et compris que 18 ans plus tard.
Ce destin tragique est peut-être à mettre en relation une névrose de caractère sévère qui a motivé son opposition à toute autorité et une mise en danger suicidaire. Eduqué et enseigné par sa mère jusqu’à l’âge de treize ans, ses capacités intellectuelles hors du commun ont peut-être eu une dimension incestueuse inconsciente qui expliquerait ses tendances suicidaires et le choix de s’engager dans un duel contre un rival amoureux, peu de temps après le suicide de son propre père.
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Henri Poincaré (1854-1912) dernier des mathématiciens universalistes aura un destin tout autre. Comblés d’honneurs, auteur de best-seller de vulgarisation scientifique, échangeant avec les plus grands penseurs de son époque (Pierre et Marie Curie, Henri Becquerel, M. Planck, W. C. Röntgen, Roland Bonaparte père de Marie Bonaparte…etc) il incarne la réussite sur tous les tableaux. |
Contemporain d’Alfred Binet qui créa en 1905 la première échelle de développement intellectuel, ses résultats à ce test le classaient parmi les imbéciles ! Cette épreuve mesurait surtout l’adaptation sociale. Malgré les apparences, Henri Poincaré apparaît effectivement assez inadapté, mais sa très brillante intelligence lui permettait de contourner les difficultés. Enfant, il avait une très mauvaise coordination motrice et sera toujours physiquement malhabile. Il parlât tôt mais mal. Il était ambidextre. Il était extrêmement distrait et maladroit. Il était doté d’une mémoire phénoménale, capable de retrouver à la page près les passages qu’il avait lu dans n’importe quel livre. Sa scolarité fut facile. Bac à 17 ans, fait math sup, math spé, passe le concours de Polytechnique ou il est reçu major malgré un zéro en dessin, note normalement éliminatoire, mais on fit exception pour lui. Il était nul en dessin, même en dessin géométrique où il lui était difficile de tracer un cercle ou des parallèles dignes de ce nom. Il était aussi très mauvais en calcul mental et se faisait doubler de vitesse par les marchandes des quatre-saisons au marché. Il avait donc une intelligence très particulière. On peut même dire qu’il présentait a minima une « débilité motrice » décrite par Dupré en 1911 : « les sujets (…) sont peu aptes à l'exécution des mouvements délicats, compliqués ou rapides ; ils se montrent dans la vie courante malhabiles, gauches, empotés, comme l'on dit. »
Biographie d'Henri Poincaré en images.
Le surdoué est une personne dont l’intelligence est très supérieure à la moyenne. On ne parle de surdoués que pour des sujets dont le QI est supérieur à 130 ou 140. Ils doivent développer des dons exceptionnels dans plusieurs domaines de l’intelligence. Les enfants précoces ne sont pas forcément surdoués.
Les
génies sont des surdoués parmi les surdoués qui apportent quelque chose de
nouveau à l’humanité. Les génies ont souvent été des enfants précoces
mais l’exemple de Poincaré qui a présenté une « débilité motrice »
au sens de Dupré et des difficultés dans l’acquisition du langage, du
calcul et du dessin montre que ce n’est pas une constante. Poincaré a suivi
une scolarité normale et a eu son bac normalement à 17 ans.
Les prodiges ne sont pas des surdoués : calculateur prodiges, sportifs de haut niveau, musiciens prodiges. Il font preuve d’un don particulier mais pas toujours d’une intelligence supérieure.
Il y aurait 1 à 2,5% de sujets adultes présentant un QI > à 130 et moins 1% un QI > 180.
Le
milieu socioculturel ne semble avoir d’influence que pour les enfants présentant
un QI compris entre 120 et 130. Au delà de 140 la distribution est identique
quelque soit le milieu socioculturel. Par contre un milieu familial porteur
aide les enfants naturellement doués à tirer un meilleur profit de ce don
embarrassant.
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Alfred Binet
Lewis Madison Terman |
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Au test historique de Binet et Simon (Echelle métrique de l’intelligence, EMI, 1905) a succédé l’échelle Terman-Merril (1937) et les tests de langage et de performance de Wechsler (WPPSI, WISC, WAIS). Pour compléter ces tests qui étudient plutôt les capacité d’adaptation au conformisme, Guilford invente dans les années 60 des « tests de créativité » qui cherchent à évaluer la fluidité, la flexibilité, l’originalité et les capacités d’élaboration et d’inventivité de l’intelligence.
Actuellement sont développés des
inventaires d’identification (J.C Terrassier) qui cherchent à évaluer
avant l’âge scolaire la qualité et la précocité du langage, la variété
des centres d’intérêts et la capacité d’apprendre à lire seul, avant
les autres. Maurice Merleau-Ponty explique qu’il a commencé à apprendre à
lire seul, enfant, en comparant les enseignes de la « boulangerie »
et de la « boucherie ». Cyril Koupernic raconte qu'à quatre
ans il a appris à lire le russe, à l’envers, en observant un précepteur
l’enseigner à son frère aîné, de l’autre côté de la table.
Il existe une controverse sur les difficultés psychologiques alléguées des enfants surdoués. Pour certains (Terman, Kohler, Dan Bitan) ils auraient moins de difficultés d’adaptation que les autres enfants, pour d’autres (Lebovici, De Ajuriaguerra) ils auraient au contraire une psychopathologie particulière.
Un vécu psycho-social particulier appelé par Terrassier dyssynchronie interne et sociale serait fréquent chez les enfants surdoués. La dyssynchronie interne est la lié au développement non homogène de l’intelligence, de la psychomotricité, de l’affectivité de l’enfant. La dyssynchronie sociale est lié au décalage entre l’enfant et les autres enfants de sa classe d’âge et les activités qui lui sont proposées tant à l’école qu’en famille.
La tentation de faire un lien avec les dysharmonies d’évolution de l’enfant est tentante, même si celles-ci sont dans la majorité des cas plutôt marquées par la déficience intellectuelle. Pour ces auteurs les enfants surdoués présenteraient souvent des manifestations anxieuses et dépressives, des troubles du comportement, des névroses de caractère leur donnant une attitude de tyran domestique, des difficultés d’intégrations sociales et un désintérêt scolaire voire un échec scolaire. Cette idée s’est répandue dans le milieu enseignant et il n’est pas rare devant des difficultés scolaires d’avoir la question « C’est peut-être qu’il est surdoué ».
Ils
présenteraient des difficultés psychomotrices fréquentes, les rendant
particulièrement inaptes aux sports collectifs, mais aussi des difficultés
dans l’apprentissage de l’écriture et de la motricité fine, ce qui peut
donner un tableau de dyslexie apparente.
La controverse sur la réalité d’une morbidité propre aux surdoués rend délicate la définition de mesures d’accompagnement propres à ces enfants.
Nombre d’enfants surdoués ont une enfance banale et une scolarité facile et révèlent leurs dons par leur aisance dans un cursus universitaire brillant, sans avoir jamais été classés surdoués ni avoir bénéficiés de programme d’enseignement particulier.
D’autres enfants, outre le fait d’être
surdoués, peuvent présenter tout comme les autres enfants, des difficultés
psychomotrices et dans leur adaptation sociale et scolaire, sans que cela relève
d’une spécificité du développement de leur intelligence.
Dès lors on peut s’interroger sur le véritable enjeux du discours militant sur les classes spéciales pour surdoués et le précepte courant du saut de classe. Ce choix abouti d’une part à une marginalisation d’enfants déjà particuliers, accentuant leur dyssynchronie interne et sociale, et d’autre part à une stigmatisation d’un seul aspect de leur personnalité, les confrontant à une pression de réussite sociale parfois insupportable.
Les mythes de la démocratisation du savoir et de l’école comme ascenseur social se nourrissent de l’espoir de tirer le gros lot dans la loterie de l’intelligence. C’est une préoccupation de certains parents pour nourrir leur propre narcissisme, de certains enseignants pour justifier le système scolaire ou son échec et c’est aussi un marché éducatif avec de véritables filières de recrutement.
Le
mythe de la sélection des élites, qui était autrefois basé sur la hiérarchie
sociale et l’argent qui autorisaient l’accès à l’éducation et au
savoir (valorisant donc l’acquis), revient subordonné à la détection
scientifique des capacités propre de l’individus (l’inné). Ce vieux débat
fécond entre l’inné et l’acquis prend dans ce cadre une dimension idéologique
dangereuse et stérile en privilégiant l’inné, ce qui risque d’enfermer
l’enfant dans un déterminisme personnel et social destructeur.
Deux conceptions s’affrontent là aussi, reflets des positions idéologiques entre l’inné et l’acquis. Certains auteurs préconisent au nom d’un élitisme militant une sélection précoce et poussée et la création d’une filière scolaire spécialisée. D’autres s’y opposent, prétextant que du fait de leur dons ces enfants se débrouilleront toujours le mieux possible. Deux positions extrêmes toutes aussi néfastes l’une que l’autre.
Il y a sans doute un entre deux, défendu par Duché et de Ajuriaguerra, qui consisterait à autoriser une petite avance scolaire d’un an, voire deux et de proposer en dehors de l’école un enseignement diversifié répondant à l’avidité insatiable d’apprendre de ces enfants. Cela permet d’éviter les deux écueils de « cultiver l’égalisation par le médiocre en freinant ce qui se détache de la moyenne, et (…) de viser à créer des bêtes à concours au prix d’un forçage de tout l’ensemble de la personnalité. » [2]. C'est aussi une des conclusions de l'étude fouillée du CNRS. [3]
[chapitre 13] "Autre chose : j'ai vu certains pères qui, à force d'aimer leurs enfants, en étaient venus à ne les aimer point. Que veux-je dire en parlant ainsi ? Un exemple rendra plus claire ma pensée. Dans leur ardent désir de voir promptement leurs fils être les premiers en tout, ils leur imposent un travail qui n'a pas de proportion, sous lequel ils succombent découragés ; et d'ailleurs, accablés par l'excès de la fatigue, ils ne reçoivent plus l'instruction avec docilité. Eh bien, comme les végétaux se développent si on les arrose modérément, mais que trop d'eau les étouffe, de même l'esprit s'accroît par des études mesurées, mais il est comme noyé sous des travaux excessifs. Il faut donc qu'on laisse les enfants reprendre haleine, loin de les occuper sans relâche."
J. DE
AJURIAGUERRA, Manuel de psychiatrie de l’enfant, Masson, Paris,1970
D-J
DUCHE, Les enfants surdoués, article
pour l’Encyclopédie Universalis, Paris, 1988
E.
SARTORI, Histoire des grands scientifiques français, Plon, Paris, 1999
Biographie d’Evariste Galois :
http://www.bibmath.net/bios/index.php3?action=affiche&quoi=galois
Les
archives Henri Poincaré, Université Nancy 2,
http://www.univ-nancy2.fr/ACERHP/
J. RUMPF, Les
enfants et les adolescents surdoués
Mémoire de licence en psychologie, Université de Lausanne, 1996, 115 pages
PDF
L'état
de la recherche sur les enfants dits "surdoués"
CNRS UMR 8605 Fondation de France
134 pages PDF
Daeppen Karine Revue de la littérature sur les enfants surdoués
Victor BÉTOLAUD, Oeuvres complètes de Plutarque - Oeuvres morales, t. I , Paris, Hachette, 1870