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SERVICE de PSYCHIATRIE et de PSYCHOLOGIE MEDICALE

CHU ANGERS

 

 

FONTEVRAUD  28 Mai 2005

« DE LA MEMOIRE ET DE L’OUBLI »
Résumés des interventions

 
Troie en flammes, Brueghel Jean, dit l’Ancien, vers 1595
Animus meminisse horret… (Virgile, Enéide, livre II, v.12)

Jean-Bernard GARRÉ Argument de la journée
Professeur des Universités - Praticien Hospitalier, Chef du Département de Psychiatrie et de Psychologie Médicale, CHU Angers


Roger WARTEL   Que peut-on transmettre ?
Professeur des Universités, Angers      
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Ce sera sans aucun doute un plaidoyer, non pour le plaideur, mais bien pour l’honneur de la psychiatrie – qui fut de culture, d’esprit critique, de refus du scientisme et de la férule suggestive. Le cadre de l’Abbaye Royale que nous avons vu sortir de la grisaille du pénitencier soutient les thèmes d’une psychiatrie non pas humaniste mais humanisante, entretenant l’oreille au sujet et à son symptôme, refusant résolument la fragmentation des manifestations cliniques, la réduction à des êtres post-humains confinés à leur substance cérébrale. La formation, si quelque chose peut se transmettre, protège le secret pour qu’il se livre, tient la méconnaissance de l’hystérie pour inhumaine, soutient le psychotique qui s’acharne à établir son symptôme. Les psychiatres sont des obligés.


Guy BESANÇON   La mémoire et les oublis dans l’écriture de soi (Journaux Intimes)
Professeur émérite de Psychiatrie, Université de Nantes     
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L’introduction portera précisément sur le rappel des définitions de l’oubli et de la mémoire.

La première partie du texte sera consacrée à un rappel sur le journal intime, sa définition, sa spécificité, ses différences avec les mémoires, les autobiographies, les correspondances, qu’il reflète, sans doute le plus exactement, ce qu’on a pu appeler la passion de soi. La mémoire, mais aussi les oublis, les censures jouent un rôle fondamental dans la rédaction du journal (cf. le 16000 pages du journal d’Amiel, cf. également le journal de Julien Green) pour citer deux diaristes célèbres.

Dans une deuxième partie, ce propos théorique sera illustré de quelques extraits de journaux intimes. On s’attardera un peu sur les journaux de Gide, de Jünger, de Pavese en 1942, les plus démonstratifs peut-être de ce qui concerne l’oubli et la mémoire.

La troisième partie, en forme de conclusion, sera consacrée aux analogies et aux différences entre journal intime et psychothérapie, notamment la place des résistances dans les deux démarches, l’oscillation permanente méthaphoro-métonymique du narcissisme dans les deux processus (Rosolato).

On se posera, pour terminer, la question de savoir si la tenue d’un journal intime est une réponse à la fatigue de soi, décrite par Ehrenberg.

Lydia FLEM   « SOUVIENS-TOI »,, une injonction freudienne : les métaphores de la mémoire
Psychanalyste, Ecrivain, Paris     
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Freud écrit dans les « Psychonévroses de défense » : « Les patients que j’ai analysés se trouvaient en état de bonne santé physique jusqu’au moment où se produisit dans leur vie représentative un cas d’inconciliabilité, c’est-à-dire jusqu’au moment où un événement, une représentation, une sensation se présenta à leur moi, éveillant un affect si pénible que la personne décida d’oublier (beschloss zu vergessen) la chose, ne se sentant pas la force de résoudre par le travail de pensée la contradiction entre cette représentation inconciliable ( unverträglich) et son moi[1].

            A l’origine de sa recherche du temps perdu, Freud ne pose pas d’emblée l’idée du refoulement comme mécanisme inconscient de l’oubli. Il prête d’abord à ses patients le désir de ne pas se souvenir, la volonté consciente d’oublier. 

            La chose insupportable est à « chasser », à « expulser » par un oubli « intentionnel » . Mais peut-on jamais véritablement oublier ? car, si la représentation inconciliable s’estompe, l’affect qui lui était lié, devenu libre, s’attache, lui, à d’autres représentations, en elles-mêmes quelconques. Par cette « fausse connexion », celles-ci se transforment en représentations absurdement obsédantes à leur tour.   

Puisque la personne « oublie » l’idée pathogène et doit donc « mentir », c’est de ce faux souvenir qu’elle souffre. « Ici s’offre l’unique possibilité de voir un souvenir produire un effet bien plus considérable que l’incident lui-même », écrit Freud à Fliess dans le « Manuscrit K[2] ».

             Ainsi donc n’est-il pas si aisé de se débarrasser d’une représentation, d’un événement ou d’une sensation « inconciliable » pour le moi. Car ce qui disparaît de l’avant-scène de la conscience, ce sont seulement les idées, les représentations de mots. Mais la représentation de chose, la charge affective, elle, se met à errer, comme un fantôme, une âme perdue à la recherche d’un nouveau corps où s’incarner. Ce sont les hasards de la contiguïté, la proximité inattendue de deux éléments sans rapport préalable – le rapprochement d’une machine à coudre et d’une table de dissection, le pavé inégal de la cour de l’hôtel des Guermantes avec une après-midi vénitienne – qui fondent par une association nouvelle un faux couple (idée et sentiment mêlés) de la mémoire.

[2] 1896 : « manuscrit K », in Naissance de la psychanalyse, p.130.

[1] 1894 : »Psychonévroses de défense », in Névrose, Psychose et
Perversion, Paris, PUF, 1973, p.3.

Lydia Flem est psychanalyste et écrivain. Elle a publié des livres sur le racisme, Freud, Casanova et l'amour à l'opéra. Son dernier livre est "Comment j'ai vidé la maison de mes parents". Son nouveau livre, "Panique", vient de paraître au Seuil dans la collection "La librairie du XXIème siècle". Elle est traduite dans une dizaine de langues.


Philippe GUTTON   A propos de la mémoire dans les processus d’adolescence
Psychiatre, Psychanalyste, Professeur des Universités, Directeur de la publication de la Revue Adolescence, Paris  
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La mémoire dans les processus d'adolescence est complexe dans les mesures suivantes :
- Omission des souvenirs d'enfance lors même qu'ils font pression dans l'inconscient.
- Les parents ont une mission de porte mémoire.
- Vigilance mnésique importante du fait des défenses interprétatives narcissiques. Difficultés des représentations du fait de la prévalence des éprouvés.


Daniel ZAGURY   Mémoire du crime
Praticien Hospitalier, Expert près la Cour d’Appel de Paris, CHS de Ville-Evrard, Neuilly sur Marne
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§        A partir de quelques vignettes cliniques, je commencerai par évoquer un trajet archétypique. Après un crime, les premières auditions sont souvent extrêmement détaillées, dans un contexte d’abrasion des tensions longtemps accumulées. Au fur et à mesure des auditions ultérieures, la mémoire vient à faire défaut, des remaniements s’opèrent jusqu’à parfois l’oubli total. S’agit-il seulement d’un système de défense ?
De difficiles problèmes médico-légaux se posent alors :

§        J’aborderai ensuite les aspects cliniques  particuliers du parricide et du crime passionnel.

§        Puis, j’interrogerai le cas des  grands procès de tueurs en série où les familles de victimes et les médias attendent un récit circonstancié du pourquoi et du comment, supposé les aider à « faire leur deuil ».

§         Si le temps me le permet, je dirai un mot de la mémoire de la victime vivante et de la question complexe des allégations non vérifiées.

§         Enfin, « Vingt ans après », que disent les sujets ayant accompli une lourde peine lorsque se pose la question de leur éventuelle libération conditionnelle ?

Mon exposé sera centré sur la clinique et j’exprimerai ma défiance à l’égard des généralités sur la mémoire, l’oubli, le deuil, tant sont grandes les variations au cas par cas.


Arlette FARGE   Corps, affects et émotions au XVIIIème siècle : nous en souvenons-nous ?
Directrice de Recherche au C.N.R.S., Paris
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Nous sommes chargés d’une histoire dont nous n’avons pas le souvenir conscient ; pourtant elle est présente et affleure, sans que nous le sachions, dans nos actes comme dans  nos affects.

A l’historien peut-être de transmettre les relations entre le corps et les affects dans les siècles d’autrefois (XVIIIème siècle ici) pour que nous revisitions un passé qui serait aussi moyen de transformer aujourd’hui.

Bernard GRANGER   Psychothérapie : les feux de la mémoire et de l’oubli
Professeur de Psychiatrie, Université Paris V, Praticien Hospitalier, Hôpital Necker, Paris
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Le terme de psychothérapie est en usage depuis la fin du 19e siècle. Entre persuasion et suggestion, les tenants des thérapies psychologiques ont étudié les différents ressorts de leur action. La psychanalyse freudienne a cherché à dépasser cette opposition entre persuasion et suggestion. Elle a longtemps prévalu, mettant l'accent sur les événements précoces vécus par le sujet, le rôle de "l'inconscient" et donc la nécessité de faire un travail de remémoration pour donner aux symptômes leur sens dans l'histoire individuelle du sujet. Parallèlement, dans le domaine philosophique, notamment avec les travaux de Paul Ricœur, le concept de narration a pris une importance de plus en plus grande comme constituant de l'identité du sujet.

D'autres types de psychothérapies, plus récents, notamment les thérapies cognitives, ont mis l'accent sur l'ici et le maintenant, et visent une maîtrise de soi, ce qui les rapproche des philosophies antiques, stoïcienne en particulier. Dans ce contexte, le déterminisme historique des troubles et le rôle joué par l'exploration du passé sont remis en question. Nous nous efforcerons de décrire ces évolutions récentes, qui remettent en question nos conceptions, notre pratique de la psychothérapie.