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Psychiatrie de l'Enfant et de l'Adolescent

 

Figures de la parentalité dans la peinture occidentale et les arts visuels
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Les figures de la transgression :   Jephté, Abraham, figures de parents infanticides.

 

2- Abraham : le renversement éthique

         Ce qui a sans doute rendu le sacrifice d'Isaac emblématique, c'est qu'il n'a pas été accompli, du moins dans le récit qui en est fait. De ce fait, une ambiguïté apparaît sur la nomination de cet évènement. Ce sacrifice qui est au départ le sacrifice d'Isaac est appelé traditionnellement, dans  un après-coup,  le sacrifice d'Abraham. Ce renversement de perspective qui correspond à l'interruption de l'acte du sacrifice interroge.
 
        Abraham a t'il sacrifié quelque chose de lui-même ou s'est-il approprié dans ce sacrifice détourné quelque chose pour lui-même ? Sans doute les deux. Il y a un "avant Abraham" et un  "après Abraham" que Thomas Mann exprime par cet aveu : "parce que ma tendresse l'a emporté sur ma foi"[2]. Abraham a sacrifié sa croyance en un Dieu exterminateur et s'est approprié les sentiments de l'expérience d'une paternité protectrice et bienveillante. Ce renversement intérieur a aussi modifié sa vision du monde puisque dans le texte Hebraïque de la Bible, le nom de Dieu change entre le début du récit et sa conclusion. Dans la scène même du sacrifice d’Isaac, ce nom passe de Elohim, collectif de dieux exterminateurs, à Yahvé, qui est plus bienveillant.

        Une hypothèse avancée par A. Le Pichon [1] est que ce renversement est lié au passage d'une économie nomade à une économie agricole sédentaire qui offrait plus de ressources vivrières et demandait plus de main d'œuvre, rendant les infanticides contre-productifs. Pourtant, il serait hasardeux de réduire un tel saut éthique dans l'histoire de l'humanité aux effets d'un simple changement d'organisation économique, ou du moins la portée anthropologique et culturelle de l'évènement a dépassé sa cause économique réelle supposée. Ce qui est sûr, c'est qu'avec ce renversement éthique, un enfant a acquis plus de valeur qu'une tête de bétail. Dans la légende du grand-père de Mahomet  l'enfant vaudra plus de cent têtes de bétail.(voir Jephté : la tradition).

Supplément d'info :  Le Sacrifice d'Abraham, Rembrandt et le Caravage  et  lire le texte de Thomas Mann et le sacrifice d'Abraham dans la peinture moderne


Coran sourate 37.102.
     
Celui-ci accompagne son père (Abraham (Ibrâhîm en arabe), qui lui dit:
« Ô mon fils, je me suis vu
en songe et je t’immolais:
le vois-tu ? »
L’enfant dit: « Ô mon père,
fais ce qui t’est ordonné.
Si Allah le décide, je persévérerais. »

 

 

 

 

 

 

voir le catalogue de l'exposition sur "le sacrifice d'Abraham dans les trois monothéismes" sur le site de la BnF (Bibliothèque nationale de France)    http://expositions.bnf.fr/parole/pedago/fiche_4.pdf

 

"Histoire du Coran ou histoire du prophète et des rois du passé" manuscrits orientaux BnF, Iran vers 1595


Genèse 

Abram prit Saraï, sa femme, et Lot, fils de son frère, avec tous les biens qu'ils possédaient et les serviteurs qu'ils avaient acquis à Charan. Ils partirent pour aller dans le pays de Canaan, et ils arrivèrent au pays de Canaan. Abram parcourut le pays jusqu'au lieu nommé Sichem, jusqu'aux chênes de Moré
Dieu dit: Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac; va-t'en au pays de Morija, et là offre-le en holocauste sur l'une des montagnes que je te dirai. Abraham se leva de bon matin, sella son âne, et prit avec lui deux serviteurs et son fils Isaac. Il fendit du bois pour l'holocauste, et partit pour aller au lieu que Dieu lui avait dit. [4] Le troisième jour, Abraham, levant les yeux, vit le lieu de loin. Et Abraham dit à ses serviteurs: Restez ici avec l'âne; moi et le jeune homme, nous irons jusque-là pour adorer, et nous reviendrons auprès de vous. Abraham prit le bois pour l'holocauste, le chargea sur son fils Isaac, et porta dans sa main le feu et le couteau. Et il marchèrent tous deux ensemble. Alors Isaac, parlant à Abraham, son père, dit: Mon père! Et il répondit: Me voici, mon fils! Isaac reprit: Voici le feu et le bois; mais où est l'agneau pour l'holocauste? Abraham répondit: Mon fils, Dieu se pourvoira lui-même de l'agneau pour l'holocauste. Et ils marchèrent tous deux ensemble. Lorsqu'ils furent arrivés au lieu que Dieu lui avait dit, Abraham y éleva un autel, et rangea le bois. Il lia son fils Isaac, et le mit sur l'autel, par-dessus le bois. Puis Abraham étendit la main, et prit le couteau, pour égorger son fils. Alors l'ange de l'Éternel l'appela des cieux, et dit: Abraham! Abraham! Et il répondit: Me voici! L'ange dit: N'avance pas ta main sur l'enfant, et ne lui fais rien; car je sais maintenant que tu crains Dieu, et que tu ne m'as pas refusé ton fils, ton unique. Abraham leva les yeux, et vit derrière lui un bélier retenu dans un buisson par les cornes; et Abraham alla prendre le bélier, et l'offrit en holocauste à la place de son fils.


Giovanni Battista Gaulli dit Baciccio
Abraham's Sacrifice of Isaac
The High Museum of Art, Atlanta, Georgia.

    


"Le sacrifice d'Isaac" Bas-relief,  Béguinage d'Amsterdam (photo Daniel Rousseau)

 


Le Sacrifice d'Abraham par Rembrandt (1635)
 Musée de l' Hermitage, St. Petersbourg

 


Abraham sacrifiant Isaac (détail)
LA HIRE, Laurent de 1650 Musée Saint-Denis, Reims


Une figure terrifiante du père :

Le songe de Jacob
Musée Message Biblique Marc Chagall, Nice

 

Références

1 - INFANTICIDE NOTES DE LECTURES ANTHROPOLOGIQUES A USAGE ETHIQUE  Michael SINGLETON   www.uclouvain.be/cps/ucl/ doc/sped/documents/dt20infanticide.pdf

2 - "Les histoires de Jacob" Thomas Mann    (lire le texte)

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